CON LA VIDA HICIERON FUEGO en VOD
- De
- 1959
- 77 mn
- Drame
- Espagne
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
Quand on ne le confond pas avec le cinéma mexicain (qui n’a jamais fait l’erreur de penser qu’Alfonso Cuaron ou Guillermo del Toro étaient espagnols?), le cinéma ibérique est souvent résumé à sa forme contemporaine, en particulier à la filmographie prolifique et célébrée de Pedro Almodovar. Comprenez, un cinéma ouvertement queer et libertaire, délivré de l’oppression fasciste et soucieux de capter une Espagne en pleine effervescence. On ne peut pas en dire autant du cinéma d’Ana Mariscal, à bien des égards la version espagnole d’Ida Lupino. Tout comme elle, est débute sa carrière comme comédienne avant de passer derrière la caméra. Elle tourne huit longs-métrages entre 1953 et 1968, dont Con la vida hicieron fuego, son deuxième film.
Si le film nourrit un lien évident avec une certaine forme de classicisme (des mouvements d’appareil élégants, des dialogues finement ciselés, un personnage principal aux allures de Cary Grant et une bande-originale symphonique), il bouscule néanmoins certains de ses aspects les plus caractéristiques. Au milieu des années 50, le cinéma populaire s’épanouit encore dans le confort luxueux des grands studios. Mariscal va quant à elle faire le choix d’ancrer son récit dans un village authentique des Asturies, filmant le plus souvent en extérieur, à la lumière du Soleil, et ponctuant son récit par des percées documentaires. Ici, une danse traditionnelle en plein air ; là, une vendeuse de sardines dont on ne sait pas si elle est une actrice ou une véritable commerçante.
Ana Mariscal a pris le train du néoréalisme en marche et le transpose dans le paysage espagnol. À la façon d’un Roberto Rossellini, qui propulsait la superstar hollywoodienne Ingrid Bergman dans le quotidien des pêcheurs de Stromboli, la cinéaste va organiser une confrontation entre un récit intime fictif (le personnage principal, ancien soldat franquiste dont la fiancée a été fusillée pour espionnage, s’entiche de la veuve d’un combattant républicain) et le traumatisme collectif de la guerre civile. Il faut dire qu’à la fin des années 50, le régime autoritaire de Franco desserre la vis qui maintenait sous pression la culture de son pays.
“Avec la vie, ils ont fait du feu” : telle est la traduction littérale du titre, déjà un programme en soi. La cinéaste va poser un regard puissamment critique sur la guerre qui a marqué son pays, une fois de plus en enjambant la frontière entre réalité et fiction. Aux images de son personnage principal, vêtu d’un uniforme de la marine, Ana Mariscal va mêler des images d’archive du véritable conflit, faisant de son héros l’incarnation trouble de milliers d’anonymes, jetés corps et âme dans un brasier, un enfer qui fume encore aujourd’hui.