PARIS EST TOUJOURS PARIS en VOD
- De
- 1952
- 104 mn
- Comédie
- France | Italie
- Tous publics
- VM - HD
PARCE QUE
Révélé en 1950 par un Dimanche d’août injustement méconnu qui aurait pourtant sa place au panthéon du néoréalisme (saisissant captation d’une embryonnaire civilisation des loisirs dans la Rome du sortir de la guerre), Luciano Emmer bascule dès son deuxième film dans un registre plus joyeux et égrillard, réhaussé par la présence de superstars de la comédie de son temps (Marcello Mastroianni, Yves Montand apparaissant dans son propre rôle). Ce qui frappe avant tout dans ce film est la maestria avec laquelle le récit fait valser ses trames entrecroisées, en suivant la dispersion d’une bande d’amis italiens venus assister à un match de football à Paris, et qui dès leur arrivée se propage dans toute la ville en autant de sous-intrigues – éloignant d’autant le match initialement prévu, pur macguffin quasi oublié par le scénario.
Le registre puise évidemment dans la légèreté de la camaraderie masculine, saisie dans une parenthèse de liberté non exempte d’inquiétude, préfigurant aussi bien le Husbands de Cassavetes que, si l’on pousse un peu, la bro comedy américaine de quelques décennies plus tard. Le sentimentalisme doucereux, incarné surtout par la romance quelque peu idéalisée du jeune Franco (le seul qui vivra une escapade pleinement heureuse), sert au film de cœur chaud et d’espace de répit. Mais un néoréalisme mezza voce se glisse toutefois entre les coutures de la pantalonnade et de la bluette : Luciano Emmer se débarrasse avec une teinte de moquerie des images attendues du Paris des touristes, et attrape de véritables prises documentaires (Henri Alekan, chef-opérateur de Cocteau et Carné, signe une lumière magistrale), au service souvent d’un regard frontal sur la dureté et la misère – comme celle du Baron, ce faux roi des nuits qui s’épuise à cacher sous un masque d’insouciance l’indigente réalité de son quotidien.
C’est toute la belle noirceur du film, qui n’entame en rien sa verdeur comique mais constitue sans nul doute son principal intérêt. Les mensonges du Paris des plaisirs forment son horizon pessimiste. Préparant le terrain peut-être au Chabrol des Cousins, Emmer brosse à sa manière l’amertume secrète des guincheurs d’après guerre, et les désillusions d’une jeunesse d’ores-et-déjà perdue.