LE VOYEUR

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Sorti dans son pays en avril 1960, Le Voyeur, du Britannique Michael Powell, fut bien vite retiré de l’affiche. Dès la première du film au Plaza, les spectateurs et professionnels invités sortirent sans un mot et en détournant les yeux pour ne pas croiser ceux du metteur en scène et de sa star, Karlheinz Böhm, qui attendaient dans le hall.

La presse se déchaîna unanimement contre cette œuvre pour le moins troublante, dont certains écrivirent qu’elle «était tout juste bonne à jeter aux cabinets». Le Voyeur (réalisé sans son compagnon de cinéma Emeric Pressburger) sonna le glas de la carrière du réalisateur du Narcisse Noir et des Chaussons rouges. Trop cru ? Trop violent ? Trop en avance sur son époque ? Sans doute… Pourtant, on n’y voit pas les meurtres, mais plutôt l’effet que ceux-ci produisent sur ceux qui les subissent comme sur ceux qui les observent. Car Le Voyeur – depuis réhabilité par Martin Scorsese et Francis Ford Coppola, et considéré par de nombreux réalisateurs, tels Bertrand Tavernier, Jim Jarmusch, Aki Kaürismaki ou Brian De Palma, comme un incontestable chef d’œuvre– est un film sur le regard qui questionne la position du metteur en scène comme celle du spectateur.

Cachée derrière sa sagesse et sa douceur, la maladie mentale du personnage central, Mark Lewis, induit qu’au-delà des apparences, chacun de nous a ses secrets plus ou moins noirs. Et qu’au cinéma, comme dans la vie, tout voyeur vit aux dépens de celui qui le regarde ! « Si vous voulez me tourmenter pour le reste de ma vie, laissez moi imaginer… » déclare Helen à Mark après avoir découvert la nature de ses activités. Dérangeant, n’est-il pas ? Une journaliste anglaise ayant constaté son erreur de jugement plus de trente ans après la première projection du film, dira : «S’il existe une vie après la mort, j’irai m’excuser auprès de Michael Powell».

 
Dans le même genre vous pouvez trouver M. LE MAUDIT DE FRITZ LANG (M., 1931) ou encore PSYCHOSE (PSYCHO,1960) D’ALFRED HITCHCOCK .

« A film… Horrible, but just a film isn’t it ? » C’est ainsi qu’Helen demande à Mark de la rassurer sur ce qu’elle vient de voir. Rien d’autre qu’un meurtre en direct, qui a provoqué chez elle un vif mouvement de recul, mais ne l’a guère empêchée de continuer à garder les yeux grands ouverts et à regarder. Jusqu’au bout…

Si Le Voyeur semble aujourd’hui tristement dépassé par les horreurs montrées à la fois par les images de fiction et les reportages du 20h, son discours reste impressionnant de dureté et de clairvoyance et sa mise en scène, d’une intelligence qu’aucune nouvelle vision n’épuise. Son scénario est dû à un homme, qui a lui seul est une énigme. Leo Marks (1920-2001) était le fils d’un libraire établi au 84 Charring Cross Road, à Londres. A huit ans, il lut avec passion le livre d’Edgar Allan Poe, «Le Scarabée d’Or», qui lui donna l’envie d’écrire plus tard une histoire d’horreur, et lui fit découvrir le passionnant exercice qui consiste à déchiffrer ou inventer des messages codés.

De 1942 à 45, Leo Marks devint cryptographe pour les Services secrets britanniques et commanda à de nombreuses jeunes femmes dont certaines moururent pour leur pays. Le Président Roosevelt lui-même considéra que l’homme et son équipe avaient concouru à raccourcir la guerre de trois mois. Comme Michael Powell le raconte dans sa précieuse autobiographie en deux tomes («Une vie dans le cinéma», publiée chez Institut Lumière/Actes Sud), il rencontra en Leo Marks «un homme impressionnant» aux  « yeux de pierre», «petit, trappu et puissant». Au deuxième rendez-vous, celui-ci lui demanda : «Que diriez-vous de faire un film sur un jeune homme qui tue les femmes qu’il filme avec sa caméra ?» Et Powell répondit : «C’est tout à fait moi. ça me plairait beaucoup !» Malgré la catastrophe qui suivit la première projection et la disparition immédiate du film, malgré le mal qu’il fit à sa carrière, Michael Powell l’a toujours considéré comme son meilleur.

Réalisé par Michael Powell, Le voyeur écope de critiques assassines dès sa sortie en 1960. Passionnés par cette œuvre d'une rare richesse, Scorsese et le nouvel Hollywood le sortent des oubliettes pour l'asseoir définitivement parmi les plus grands films anglais et les ...

En 1960, Michael Powell n'a plus besoin de prouver son talent cinématographique. Que ce soit seul ou en un fructueux duo avec Emeric Pressburger, le cinéaste britannique a multiplié les chefs d’œuvre depuis les années 30, mais surtout dans les années 40, dans des genres ...

"Le Voyeur" a brisé la carrière de son réalisateur, Michael Powell, et suscité un déferlement ahurissant contre lui lors de sa sortie, en 1960. Les critiques l'ont reçu comme une pure obscénité, un éloge de la perversion et du sadisme à jeter direct aux chiottes. Or, ...