LA FILLE DE QUINZE ANS

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C’est un marivaudage à trois dans le huis clos d’une villa d’Ibiza, mais ces trois-là sont une très jeune fille, son amoureux du même âge, et le père de ce dernier. Et comme nous sommes chez Jacques Doillon, les sentiments sont disséqués, la séduction est à la fois une bénédiction et une malédiction et la douleur est palpable.

Tourné en 1989, après un intermède théâtral adapté de Nathalie Saraulte Pour un oui ou pour un non avec Jean-Louis Trintignant et André Dussollier, La Fille de quinze ans retrouve le cadre d’une villa, comme dans Comédie ! (1987) où un couple d’adultes se déchiraient autour des souvenirs de conquête du mari, avant Le petit Criminel (1990) de nouveau centré sur un jeune adolescent. Le scénario est coécrit par Doillon, Jean-François Goyet - son collaborateur depuis La Vie de famille (1985) - et Arlette Langmann, sœur de Claude Berri, ex-compagne de Maurice Pialat et coscénariste de L’Enfance nue et A nos amours, deux films centrés sur l’adolescence. Caroline Champetier, directrice de la photographie au talent subtil qui avait débuté avec Jacques Rivette puis effectué le cadre sur La Femme d’à côté de Truffaut, retrouve Jacques Doillon après  La Tentation d’Isabelle (1985) et L’Amoureuse (1987).

Jacques Doillon, né en 1944, a souvent regardé de très jeunes gens à travers le prisme de sa caméra, notamment dans son deuxième long métrage, Les Doigts dans la tête (1974), puis La Drôlesse (1978). Sorti en 1989, La Fille de quinze ans est le premier rôle principal de Judith Godrèche découverte à 13 ans dans L’Eté Prochain film choral de Nadine Trintignant. Elle devait enchainer ensuite avec les personnages centraux de La Désenchantée de Benoît Jacquot et de Paris s’éveille d’Olivier Assayas. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BEAU-PÈRE DE BERTRAND BLIER (1981) (Une très jeune fille (de 14 ans) se jette à la tête d'un adulte, son beau-père, suite au décès de sa mère.) ou encore LES RANDONNEURS DE PHILIPPE HAREL ( 1996) (Un réalisateur se donne un rôle clé devant sa propre caméra.).

Melvil Poupaud avait fait ses premiers pas à 10 ans dans La Ville des Pirates du cinéaste chilien Raoul Ruiz qu’il retrouva deux ans plus tard pour L’Île au trésor et L’Eveillé du Pont de l’Alma.  Regarder grandir un enfant sous l’œil de la caméra, assister à ses mutations successives, le voir devenir une grande et belle personne et un acteur ou une actrice de plus en plus accompli(e) au fil des ans et des films est un des cadeaux que le cinéma nous offre régulièrement.

Melvil Poupaud fait partie de ces comédiens du cinéma français, comme Charlotte Gainsbourg, Benoît Magimel, ou Sophie Marceau, ayant commencé très jeunes, par chance, par hasard ou par nécessité. Du côté de Melvil, sa mère, Chantal Poupaud était attachée de presse de cinéma et tout cela a commencé comme un jeu sur des tournages éminemment ludiques et fantastiques. C’est la magie du cinéma de nous permettre de suivre ainsi, comme un parent lointain mais attentif, l’évolution de ses grâces délicates de jeune garçon à son charme fou d’adulte. De La Ville des Pirates au Grand Jeu de Nicolas Pariser, en passant par Conte d’été d’Eric Rohmer, Les Sentiments de Noémie Lvovsky, Un conte de Noël d’Arnaud Desplechin ou Laurence anyways de Xavier Dolan, sans compter ses partitions régulières dans les films de son découvreur Raoul Ruiz, Melvil Poupaud a dessiné un parcours dont les choix exigeants ne cessent de nous ravir.

Parfois, propulsées trop vite trop loin, certaines âmes jeunes se perdent dans le tourbillon dangereux de la célébrité et de la vie facile. Mais lorsque d’émouvants débutants continuent leur chemin et transforment l’essai, on s’émeut et on applaudit. "Quel est mon nom ?" interrogeait le jeune homme via le titre d’un beau livre, non de "mémoires", il était bien trop jeune, mais de souvenirs épars et d’interrogations nourries paru chez Stock en 2011. Son nom est Poupaud, Melvil Poupaud, et le cinéma est sa maison.