CHINAS en VOD
- De
- 2023
- 118 mn
- Drame
- Espagne
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
Renvoyer un reflet du monde par le biais de personnages, voilà le secret de beaucoup de films réussis. Indéniablement, Chinas est de ceux-là. Le monde, en l’occurrence, est celui de l’Espagne de nos jours et de son immigration chinoise de première et deuxième génération. Les personnages sont d’abord deux petites filles d’une dizaine d’années. Lucia, dont le père et la mère tiennent un modeste bazar, se débat entre la culture chinoise dont elle a hérité et son désir de vivre comme toutes les autres jeunes espagnoles. Xiang, adoptée peu après sa naissance, a le problème inverse : aucune amie et un défaut d’intégration, mais des parents capables de suivre les réunions avec les professeurs et d’ouvrir seuls les courriers administratifs. Autour d’elles gravitent les familles : Claudia, la grande soeur de Lucia, tout aussi tiraillée qu’elle, le couple chinois qui trime sans réussir financièrement et met la pression à ses filles pour qu’elles aient une vie plus facile, et les parents adoptifs quelque peu dépassés par leur situation.
Par petites touches, Chinas dessine deux générations témoins des effets du déracinement et des discriminations. C’est l’impossibilité d’inviter des copines à la maison parce qu’on y mange avec des baguettes des pattes de poulet frites, l’obligation d’apprendre le chinois Parce que les parents adoptifs pensent que c’est nécessaire, et surtout la honte. La honte brûlante d’être appelée chaque jour la « bridée » par des garçons aux fantasmes exotiques et racistes, la honte d’entendre sa fille lui dire que les mères des copines de l’école se coiffent et se maquillent mieux.
La réalisatrice du film, Arantxa Echevarría, aime se plonger dans une communauté et la confronter à l’extérieur. Carmen et Lola, son premier long-métrage (2017), racontait l’histoire d’une jeune gitane prête à suivre la voie toute tracée pour elle (se marier et avoir des enfants) jusqu’à ce qu’elle rencontre une fille de son âge désireuse d’aller faire des études. Le même principe est à l'œuvre dans Chinas, sans que jamais la cinéaste ne tranche entre une culture ou l’autre. Toujours dans la nuance, sur une ligne de crête, la Basque dissèque finement les empêchements et les atermoiements des individus pris en étau entre un collectif écrasant, qu’il vienne de la famille ou de l’ensemble de la société, et leurs aspirations personnelles.
Le prisme de l’enfance lui permet aussi de montrer l’incongruité de ce qui paraît sinon admis. L’importance du langage, par exemple, dans les discriminations. Pourquoi un « bazar » serait-il nécessairement un « chinos » en espagnol ? Pourquoi deux petites filles chinoises devraient-elles toujours être amies, sous prétexte qu’elles ont des traits communs ? Il faut ici saluer le remarquable casting du film et la direction d’acteur d’Arantxa Echevarría, qui permettent à Daniela Shiman Yang (Lucia) et Ella Qiu (Xiang) de camper de façon très convaincante deux jeunes héroïnes que l’on surprend, à la fin du film, à vouloir suivre encore longtemps.