SALUT L'ARTISTE

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Salut l’artiste devait s’appeler au départ « Le Figurant ». Marcello Mastroianni se glisse en effet dans la peau d’un comédien qui court le cachet et passe d’une figuration à une autre en espérant toujours, à quarante ans, le grand rôle qui lui permettra de faire reconnaître son talent. De tournages de pubs en silhouettes au théâtre, le quotidien du personnage permet à Yves Robert de brosser un tableau vivant de la condition de bien des comédiens.

Mais Salut l’artiste c’est aussi l’histoire d’un homme paumé sentimentalement, incapable de choisir entre son ex-épouse et sa compagne actuelle. Jean-Loup Dabadie a coécrit le scénario avec Yves Robert et le film annonce déjà ce mélange de comédie et de mélancolie que l’on retrouvera dans leur Un éléphant ça trompe énormément.

Vladimir Cosma, qui signe les B.O d’Yves Robert depuis Alexandre le bienheureux compose une  mémorable partition et fait appel à l’harmoniciste Toots Thielemans. Le morceau « En sifflotant » deviendra même l’indicatif d’une émission de radio très populaire à l’époque, « Les Routiers sont  sympas ».

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES GRANDS DUCS (Les galères de trois comédiens au chômage qui prennent part à un spectacle raté) ou encore VERTIGES (Marcello Mastroianni et Françoise Fabian en sont là aussi les têtes d'affiche).

Yves Robert a d’abord pensé confier le rôle principal de son film à Fernand Raynaud qu’il avait dirigé dans un court métrage en 1951. Mais quand son ami le cinéaste Claude Sautet l’avertit qu’il est « condamné au chef-d’œuvre », le metteur en scène reconsidère sa première idée. Il propose alors le rôle à Yves Montand qui refuse pensant qu’il ne serait pas crédible en acteur raté. Marcello Mastroianni est finalement choisi et Jean Rochefort incarnera son complice. À l’idée de tourner avec Mastroianni, Rochefort est très impressionné et pour surmonter son trac il décide de l’appeler Marcel. Il confie que dès lors « nous avons eu tous les deux la sensation extraordinaire qu’on aurait pu être copains en classe de 6e : on se voyait en culottes courtes ! » 

Jean Rochefort s’est senti très en phase avec l’univers du film. « Il n’y pas une seule scène où je n'aie pas pu faire référence à quelque chose ou quelqu’un que j’ai connus ». Le découragement, la lassitude que finit par éprouver son personnage lui parle notamment. Yves Robert, derrière la caméra s’identifie aussi à ce comédien qu’il a imaginé en puisant dans sa propre expérience d’acteur. « Quand il me regardait jouer, dit-il, j’étais un peu lui. Une situation très curieuse, très émouvante ».

Comme Jean Rochefort, Françoise Fabian est, elle aussi, admirative de son partenaire Mastroianni. Elle se souvient que comme il sortait beaucoup le soir, il dormait entre chaque plan. Il pouvait s’endormir même en se faisant maquiller. N’empêche, à chaque prise, il savait son texte au rasoir ! Enfin, Salut l’artiste marque les débuts, assez discrets de Gérard Jugnot au cinéma, juste après L'An 01 de Jacques Doillon. Dans la séquence au château de Versailles, il interprète le caméraman. Comme il le raconte, on entrevoit son crâne déjà dégarni dans un plan large des techniciens au travail puis fugitivement son visage qui disparaît tandis qu’on l’entend dire « J’ai de la fumée dans le champ » alors qu’un gros plan cadre la cigarette coupable. « C’est là que j’ai compris le sens du mot off ! », raconte avec humour le futur réalisateur d’Une époque formidable.

Ce n'est pas un scoop : Yves Robert n'a jamais été un grand technicien et ce « Salut l'artiste » ne déroge pas à la règle. Mais il n'en raconte pas moins de bonnes histoires le réalisateur moustachu, si bien que cela passe souvent comme une lettre à la poste. Ce film est ...