QUAI DES ORFÈVRES (VERSION RESTAURÉE)

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En ce mois de février 1947, Henri-Georges Clouzot retrouve (enfin) le chemin des studios pour tourner Joyeux Noël, bientôt rebaptisé Quai des Orfèvres. Depuis octobre 1944, le cinéaste était, en effet, sous le coup d’une interdiction de travailler, infligée par le Comité de libération du cinéma à cause du Corbeau, son film précédent, sorti en septembre 1943, produit par la Continental et accusé d’avoir propagé une image infâmante de la France.

Très librement adapté d’un roman policier du Belge Stanislas-André Steeman, Quai des Orfèvres met en scène un pianiste jaloux (Bernard Blier), accusé d’avoir assassiné un vieux producteur libidineux (Charles Dullin) qui avait fait des avances à sa chanteuse d’épouse (Suzy Delair) et auquel il avait proféré des menaces de mort. Au Quai des Orfèvres, adresse de la Police Judiciaire parisienne qui donne son titre au film, l’inspecteur principal adjoint Antoine (Louis Jouvet) va mener l’enquête.

Ce film, qui marque le brillant retour de Clouzot au cinéma, va sortir à Paris, au Marignan et au Marivaux, le 3 octobre 1947, quelques jours après que le jury de la Biennale de Venise ne lui décerne son « Grand prix international pour la meilleure réalisation ». Le voici dans sa version restaurée !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L’ENFER (1994) (Comme Maurice (Bernard Blier), Paul (François Cluzet) est maladivement jaloux de sa femme. C’est le début de l’enfer...) ou encore 36 QUAI DES ORFÈVRES (2004) (Pas la même affaire, mais la même adresse mythique !).

En octobre 1946, une fois levée la sanction qui pesait sur lui depuis deux ans, Clouzot s’était mis en tête de diriger Michel Simon dans Par des chemins obscurs, l’adaptation de Chambre obscure, le roman de Nabokov qui préfigurait sa future Lolita. Mais le producteur, Anatole Eliacheff – encore mari de Françoise Giroud, bientôt père de leur fille Caroline et très prochainement arrêté pour faits de collaboration –, refusa le projet. Ce qu’il voulait, c’était un film bien commercial qui n’aurait aucun problème avec la censure. Pourquoi pas un film policier ? C’est ainsi que Clouzot se souvint d’un roman de Steeman, Légitime défense, épuisé en France, mais qu’il commença à adapter, de mémoire, avec son futur habituel complice Jean Ferry, tout en demandant au romancier belge de vouloir bien lui adresser un exemplaire de son bouquin.

Voilà pourquoi le film que vous venez de voir est véritablement une « libre adaptation » du roman, Steeman ayant d’ailleurs, en diverses occasions, manifesté son courroux à l’endroit du cinéaste infidèle « qui ne peut construire, affirmait-il, qu’après avoir démoli ». De son côté Clouzot avoua : « Quand j’ai enfin reçu un exemplaire du livre, je me suis dit : ʺC’est drôle, ça n’a aucun rapportʺ. » Et pour cause ! Il avait abandonné les années 30 pour l’immédiat après-guerre et l’assassin n’était plus le même ! Ce n’est pas tout, dans le roman, Maurice Martineau se nomme Noël Martin, il n’est pas pianiste mais artiste peintre, schizophrène à ses heures ; Jenny Lamour, sa femme, se prénomme Belle et n’est pas chanteuse ; Dora, la photographe lesbienne, se prénomme Renée, elle n’est ni photographe, ni lesbienne, mais dirige un institut de beauté et en pince pour Noël ; le libidineux Brignon, s’il est toujours aussi libidineux est baptisé Judas Weyl et collectionne les œuvres d’art. Enfin le policier chargé de l’enquête n’est pas le filiforme et un peu terne inspecteur principal adjoint Antoine, mais un flegmatique Commissaire de cent kilos adepte du chapeau melon, un certain : Honoré Maria.

C’est notamment avec le décorateur Max Douy que Clouzot prépara minutieusement son film. Avec lui, pendant deux mois, il dessina un rigoureux story-board qui permit de concevoir et de bâtir uniquement les décors, ou les parties de décors, nécessaires au tournage. Ainsi la salle de spectacle où Suzy Delair lance son fameux « Tralala » – chanson signée Francis Lopez –, est un décor à demi construit, Clouzot filmant toute la salle grâce à un miroir ! Le public vint nombreux et la critique fut unanime, à l’exception de l’Humanité qui traita Clouzot de « réactionnaire » et de Libération qui jugea son propos : « graveleux », voire « sordide ». Au contraire, dans le quotidien France-Libre, Pierre Chartier écrivit, une semaine après sa sortie : « Quai des Orfèvres est une œuvre, non pas à voir, mais à revoir et à méditer. »

Quai des orfèvres présente bien sûr une enquête policière, en l'occurrence sur le meurtre d'un vieux dégueulasse. Mais si celle-ci fait montre d'une efficacité imparable, son importance n'est que secondaire dans la superbe du film. Plutôt que de chercher à passionner ...

C'est amusant comme certains films peuvent marquer plus que d'autres... Là par exemple, j'avais quasiment tout oublié de cette nouvelle adaptation de Steeman par Clouzot, me souvenais juste de Jouvet et de son fiston, tant mieux, c'est beau de redécouvrir des petites merveilles... C'est ...

Le principe consistant à intégrer une intrigue policière au sein d’une collectivité est de l’ordre du système chez Clouzot : c’est le cas du Corbeau ou de L’assassin habite au 21. Mais loin de ronronner, ses films ne cessent, tout en creusant le même sillon, de mettre ...