NOTTURNO

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Des femmes, en procession silencieuse, déambulent dans un bâtiment abandonné, presque en ruines. Silhouettes graves, lieu mystérieux. Quelques instants plus tard, on réalise qu’il s’agit de mères, de parentes de prisonniers, venues sur les lieux où ont été torturés puis tués leurs fils, leurs proches…

Dès les premières séquences, Notturno propose un regard fort, celui d’un témoin qui nous immerge dans une réalité en nous laissant la découvrir par l’émotion, la sensation. Pas de commentaire off pour nous guider. A nous spectatrices, spectateurs, de recevoir et d’interpréter, de comprendre.

Notturno a été tourné au fil de trois années au Moyen Orient dans des régions frontalières. D’une séquence à l’autre, on passe de l’Irak au Liban, de la Syrie au Kurdistan. La guerre y a brisé des existences, détruit les paysages, mais la vie est là. Gianfranco Rosi la capte à travers les activités d’une poignée de personnages, un chasseur tapi dans une barque, des femmes-soldats, un adolescent chargé de famille…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LITTLE PALESTINE (Une chronique tenue entre 2013 et 2015 dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk alors assiégé par l'armée syrienne) ou encore POUR SAMA (La vie quotidienne dans la ville syrienne d'Alep entre 2011 et 2016, filmée par une jeune femme, témoin de la guerre).

Notturno est en quelque sorte un prolongement dru précédent film de Gianfranco Rosi, Fuocoammare, par-delà Lampedusa (Ours d’or à Berlin), témoignage sur l’exode des migrants en Méditerranée. Vers la fin du tournage de ce documentaire alors qu’il venait de filmer des dizaines de cadavres entassés dans la cale d’un bateau, Rosi a voulu montrer ce que fuient les migrants mais cela n’a pas été possible à ce moment. C’est pendant la campagne des Oscars, alors que son film était en compétition, qu’il a compris qu’il lui fallait se rendre sur les lieux que quittaient les migrants. Une véritable nécessité pour lui. En deux semaines Notturno était écrit.

Où aller précisément ? Face à la carte du Moyen-Orient, il a décidé de suivre le tracé des frontières créées par Daesh. Mais il a choisi une approche particulière de cet espace déchiré par la guerre : «au lieu de considérer ce territoire comme un lieu de division, je l’ai appréhendé comme un lieu d’agrégation. Que le spectateur ne sache jamais si l’on est en Irak, au Liban, au Kurdistan ou en Syrie permettait de suggérer l’idée selon laquelle la souffrance (physique et mentale) endurée par les uns et les autres est commune à l’ensemble de la région. Sur place, je n’ai d’ailleurs pas rencontré des gens qui fuyaient, mais des gens comme figés, sans espoir ».

Le cinéaste a retenu le titre de Notturno (nocturne) parce qu’au départ la nuit lui paraissait une sorte de protection dans ce territoire inconnu et il souhaitait tourner dans l’obscurité pour produire des images très ouvertes à l’interprétation. Mais certaines histoires ont imposé un tournage de jour. Le réalisateur a cependant privilégié les situations avec une lumière « mystérieuse » : à l’aube, au crépuscule ou par temps nuageux, quitte à passer parfois des semaines à attendre l’arrivée de nuages pour pouvoir « trouver la bonne distance, le bon cadrage, sans me préoccuper de la lumière. Dans le documentaire, le point de vue est fondamental. »  Documentariste exigeant, Rosi reconnaît qu’il demande beaucoup au spectateur de Notturno, en ne lui donnant pas d’informations contextuelles.  Son projet vise surtout à « raconter un monde intérieur ». Et pour lui, le film n’est pas sombre « Il montre l’extraordinaire force de vie des habitants de ces régions ».

Un film bouleversant vu au festival Docaviv a Tel Aviv. Rosi capte les douleurs d'un monde hanté par son histoire. Nous sommes entre le Liban, la Syrie, le Kurdistan et l'Irak, mais nous ne savons jamais ou exactement. Pas de texte, sauf au tout début, ni d'insert explicatif, ...

Durant trois ans, Gianfranco Rosi a documenté les conflits armés du Moyen-Orient le long des frontières de l’Irak, du Kurdistan, de la Syrie et du Liban témoignant des traces de destruction et de violence qui recouvrent ces paysages rocailleux. Il a saisi cette notturno ...

Notre Marcel Proust national le disait, "le seul véritable voyage n’est pas d’aller vers d’autres paysages, mais d’avoir d’autres yeux…" C’est le tour de force de ce documentaire magistral, fracassant – que dis-je ! – IN-COM-PA-RA-BLE, de réussir à nous donner ...