Il s’agit de la première fois que Véra Belmont réalise un film en animation. C’est par ce procédé que cette cinéaste, fille d’immigrés juifs biélorusses communistes qui n’a jamais frontalement abordé le sujet de la Shoah, a pu s’en rapprocher le plus, grâce à la distance qu’il met entre l’image et le réel : « Le choix de l’animation n’est pas neutre, confirme-t-elle. En effet, par son élégance et sa précision, le dessin permet de représenter ‘l’irreprésentable’ et d’aborder les questions les plus graves avec légèreté et humour à l’instar de Maus, d’Art Spiegelman. Cette distance est nécessaire pour ne pas accabler le spectateur sous le pathos, pour lui donner l’occasion de rire et de réfléchir. » Jusqu’à présent, en prise de vue réelles, elle n’avait qu’effleurer le sujet de l’Holocauste dans Milena et Survivre avec les loups : « Milena et Survivre avec les loups se déroulent durant les événements qui ont conduit à la Shoah puis pendant cette période, et toujours hors des camps. Les Secrets de mon père, lui, se déroule après la guerre. Je trouvais intéressant de m’attacher au regard et aux questions que peuvent avoir deux enfants sur des évènements passés qui les dépassent, mais qui planent en permanence sur le présent des personnages. »
Les Secrets de mon père est l’adaptation de la bande dessinée très personnelle « Deuxième Génération » écrite par Michel Kichka, parue aux éditions Dargaud en 2012 – soit un an après avoir été fait Chevalier des Arts et des Lettres par le ministre de la culture de l’époque, Frédéric Mitterrand. Sa démarche régressive, introspective et politique lui a valu d’être souvent comparé aux séries de BD « L’Arabe du futur » de Riad Sattouf ou « Persepolis » de Marjane Satrapi. L’adaptation de « Deuxième Génération » est signée Véra Belmont et Valérie Zenatti, et Michel Kichka n’y a pas participé : « Michel Kichka n’est jamais intervenu dans l’écriture. Il nous a fait entièrement confiance et je l’en remercie », explique la réalisatrice.
Si c’est Jacques Gamblin qui prête à sa voix au père, Henri, dans le dessin animé en français, « incarnant parfaitement le côté renfermé du personnage » et « en même temps si chaleureux », dans la version anglaise c’est un autre très grand comédien – à la notoriété internationale cette fois – qui endosse le rôle : Elliott Gould. Cet acteur, célèbre pour son rôle du Capitaine John McIntyre dans M*A*S*H ou pour avoir été le père de Monica et Ross dans Friends, a sporadiquement fait de l’animation dans sa carrière, notamment dans les séries Kim Possible ou Les Simpson, mais ce n’est pas la majorité de ses presque 200 crédits de comédiens en 60 ans.
Parlez-nous des comédiens qui font les voix des personnages. Comme toutes les mères juives, Michèle Bernier a une truculence et une chaleur qui me plaisent beaucoup. Jacques Gamblin, lui, incarne parfaitement le côté renfermé du personnage d’Henri, et en même temps, il est si chaleureux. Je suis aussi très heureuse qu’Elliott Gould ait accepté de faire la voix d’Henri dans la version anglaise. C’est Elliott Covrigaru qui signe la musique. J’avais déjà travaillé avec lui, sa sensibilité correspond à la mienne et je trouve qu’il a un grand sens de la mélodie. Et pour tout vous dire, cela reste une histoire de famille puisqu’Elliott est mon petit-fils. La transmission se poursuit…