LE PROCÈS GOLDMAN en VOD
- De
- 2023
- 116 mn
- Drame
- France
- Tous publics
- VF - HD
PARCE QUE
Qui est donc Pierre Goldman ? D’abord, le demi-frère de Jean-Jacques, chanteur et personnalité préférée des Français pendant des décennies. Ensuite, un militant d’extrême-gauche, accusé en 1970 du braquage de plusieurs établissements parisiens, dont une pharmacie. Puis, un écrivain et journaliste, qui a écrit un livre pour dénoncer sa condamnation, en 1974, à la prison à perpétuité pour ces braquages, puis s’est reconverti dans la presse après son acquittement en appel, en 1976. Enfin, une victime d’assassinat en 1979. Mais au-delà de ces faits incontestables, Pierre Goldman reste un mystère. Avec Le procès Goldman, qui se penche sur la seconde audience de cet homme insaisissable en mêlant des éléments des deux procès, le réalisateur Cédric Kahn tente, à première vue, de le percer.
En résulte le portrait ambigu d’un accusé intenable, tantôt plein de panache tantôt franchement agaçant, qui estime n’avoir pas besoin de témoins de moralité puisqu’il est « ontologiquement innocent ». Enfermé dans son cadre carré, ce huis-clos est un tour de force à plusieurs titres. D’abord parce qu’il embrasse la sécheresse de son dispositif et ne s’autorise aucune sortie du tribunal : à l’exception de la scène d’ouverture, tout se passe dans une cour d’assises, filmée sans artifice mais pas sans talent. D’un plan serré sur un visage, Cédric Kahn traduit toute l’urgence de la vérité qui habite ses personnages. D’un reflet dans une vitre, il explore la tristesse et l’incompréhension des proches et des témoins. Ensuite, parce qu’il fait une confiance aveugle (et bien placée) à ses (excellents) comédiens. Dans le rôle de Pierre Goldman, Arieh Worthalter, tout d’intensité vêtu, livre une performance éblouissante.
Le procès Goldman s’inscrit dans la veine de ces films tout entier bâtis sur la force de la parole, sans pour autant qu’ils soient verbeux. Celle-ci n’est probablement jamais aussi importante que dans un prétoire et c’est elle, et elle seule, qui permettra d’établir ce qu’ensuite tout le monde pourra considérer comme la vérité. Avec ce long-métrage, Cédric Kahn ne manque pas d’ailleurs d’interroger la pertinence du système judiciaire et sa rigidité, qui convient bien mal aux paradoxes des êtres humains.
Ce qui intéresse le cinéaste n’est donc pas la vérité judiciaire mais ce qui se joue jusqu’à ce qu’elle soit établie. Car les témoignages, les interrogatoires, les coups de sang de l’accusé puis l’immense plaidoirie finale de l’avocat Me Kiejman (interprété par Arthur Harari) sont autant d’éléments qui viennent, par petites touches, dessiner la France des années 1970. Une France qui ne s’est pas remise de la Seconde Guerre mondiale (la judéité de Pierre Goldman est au centre des débats), qui s’écharpe sur les violences policières et laisse se déverser, sans même s’en rendre compte, son racisme et son antisémitisme latents. Qui est donc Pierre Goldman ? Pour Cédric Kahn, cet homme est avant tout le révélateur d’une société dont les tensions et la défaillance des institutions ont traversé les décennies depuis les 70s pour être plus prégnantes aujourd’hui que jamais.