LA FAVORITE en VOD
- De
- 2018
- 115 mn
- Politique / Histoire
- Royaume-Uni | Irlande | Etats-Unis
- - 10 ans
- VM - HD
PARCE QUE
Cinéaste contemporain parmi les plus primés des grands festivals, Yorgos Lanthimos n’avait encore jamais réalisé de film historique avant La Favorite. Davantage reconnu comme le portraitiste des traits les plus absurdes, aliénants et avilissants de nos sociétés, souvent à travers des récits dystopiques, le réalisateur grec examine ici les relations conflictuelles entre les cousines Sarah Churchill, Duchesse de Malborough (Rachel Weiz), et Lady Abigail Masham (Emma Stone) au sein de la cour de la Reine Anne d’Angleterre, dont elles cherchent les faveurs. Grand Prix à la Mostra de Venise en 2018, La Favorite impressionne d’abord par le soin apporté à la reconstitution du quotidien de la noblesse anglaise au XVIIIe siècle. Le film n’esquive absolument pas le contexte géopolitique tendu de l’époque, soit la méconnue guerre de succession d’Espagne entre la France et l’Angleterre, présent en toile de fond. Costumes, décors et coutumes sont représentés de manière méticuleuse par l’auteur et ses techniciens, comme point d’ancrage à la satire au cœur du film.
Si Lanthimos adapte cette partie ignorée de l’histoire britannique, c’est pour mieux la tordre et la soumettre à sa vision singulière. N’importe quel connaisseur de son cinéma reconnaîtrait immédiatement son style dans La Favorite, sans même savoir au préalable qu’il en est l’auteur. En effet, on reconnaît dans ce film son goût pour la mise en scène d’une bourgeoisie décadente, de rituels aberrants - comme cette course de canards - ou bien de comportements poussés à l’extrême. Le tout filmé avec un objectif grand angle caractéristique. Les personnages de Sarah et Abigail, en compétition pour devenir la favorite du titre, s’adonnent aux vilenies et bassesses les plus terribles et humiliantes : chantage, manipulation, automutilation, empoisonnement et dépravation. Du Lanthimos pur jus, pour ceux qui l’auraient découverts en 2024 avec Kinds of Kindness ou le Lion d’or, Pauvres créatures.
Vous l’aurez compris, La Favorite n’est pas n’importe quel film historique. Ne souffrant nullement d’académisme, il est plutôt l’héritier de Barry Lyndon. Au-delà de la composition des plans proches de la peinture qu’ils ont en commun, on retrouve chez Abigail Masham le même caractère arriviste que le protagoniste du film de Stanley Kubrick. A la lâcheté de Lyndon, Lanthimos oppose une audace immodérée. Le destin d'Abigail, qui aura su se faire également une place dans l’aristocratie anglaise en s’élevant au rang de Lady grâce à un mariage arrangé, se révèlera tout aussi médiocre : servir de jouet pour la Reine d’Angleterre. C’est là tout le propos politique de La Favorite, qui montre un microcosme privilégié vivant avec des œillères, dans l'opulence, l’excès et l’immoralité. Néanmoins, n’importe quel Lady, Duchesse, Lord ou Baron sera toujours l’esclave d’un Roi ou d’une Reine.
Si La Favorite est un film hors norme, il le doit aussi à son formidable trio d’actrices. Que ce soit Emma Stone, truculente en fausse naïve, Rachel Weiz, terrifiante en grande manipulatrice, ou bien Olivia Colman, misérable en Reine incapable d’assumer ses responsabilités, elles rayonnent par leur talent. Il fallait malheureusement n’en primer qu’une aux Oscars (Olivia Colman), mais on imagine bien que si un prix collectif existait, il aurait volontiers été donné à ces trois interprètes de génie.