VIVE LA CRISE!

en VOD

Devinette : quel est le film préféré de Jean-Marie Bigard ? Langue au chat ? C’est Brazil de Terry Gilliam. Et ça tombe bien parce que dans Vive la crise ! Bigard se retrouve viré par un ordinateur, comme le héros de Brazil en butte à une bureaucratie absurde et cruelle. Le personnage incarné par l’humoriste croise alors la route d’un sans-abri philosophe, joué par Jean-Claude Dreyfus, et va découvrir une bande de joyeux personnages liés par une solide solidarité et qui vont même se rebeller contre leur auteur !

Difficile de raconter cette fable située en 2025 au moment où Marine Le Pen renonce à la présidence de la République au bout de trois ans d’exercice. Comédie, satire sociale pimentée d’humour grivois, Vive la crise ! n’hésite pas à convoquer Montaigne et La Boétie mais aussi le dramaturge Pirandello incarné par Venantino Venantini, le Pascal des Tontons flingueurs.

Le casting du film donne un avant-goût de son mélange de tons. Lola Marois, compagne à la ville de Jean-Marie Bigard, incarne une jeune caissière diplômée des Beaux-Arts, Rufus, acteur fétiche de Jean-François Davy, campe un retraité toujours puceau.  Emmanuelle Boidron, qui fut la fille du commissaire Navarro à la télé, est ici une prostituée. Quant à Florence Thomassin, elle a pu étoffer son rôle en improvisant ici et là. On lui doit notamment la réplique « tu pues !» dans la scène des poubelles qu’elle a ajouté après le « je t’aime » initialement prévu.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE GRAND PARTAGE (Une comédie de politique-fiction sur le thème de la solidarité) ou encore CHAUSSETTE SURPRISE (Une autre comédie loufoque de Jean-François Davy également interprétée par Rufus).

Comédie assurément, Vive la crise ! échappe malgré tout aux étiquettes habituelles. Pour Jean-Claude Dreyfus - Montaigne à l’écran - c’est un « pamphlet poétique, un pamphlet politique, un pamphlet social ». Jean-François Davy explique quant à lui qu’il a voulu faire un divertissement populaire tout en étant anticonformiste, en se jouant des règles conventionnelles de la narration. En termes de message politique, le réalisateur énonce un programme simple : « il est doux de vivre ensemble si chacun y met du sien et se retrouve dans des valeurs de solidarité ». A plus de soixante-dix ans, le metteur en scène continue de se faire plaisir : « c’est un peu le film-somme où je mélange tout ce que j’aime dans la vie : le sexe, le rire, la bonne bouffe et la picole, l’amitié, la solidarité. »

Jean-François Davy est lui-même une figure inclassable dans le paysage cinématographique. Et il le revendique : « je suis un cinéaste marginal, indépendant, grande-gueule, pire que Mocky parce que je souffre d’une non-reconnaissance malgré de beaux succès populaires. ». Depuis les années 1960, sa filmographie zigzague entre des registres très divers du fantastique à la comédie érotique avec Prenez la queue comme tout le monde, par exemple, sans oublier Les Aiguilles rouges, une aventure inspirée par ses jeunes années de scout. On lui doit aussi Exhibition, seul film à voir été classé Art et essai puis classé X en 1975 avant d’être « désixé » dans les années 80. « Ma vocation a toujours été de réaliser et de produire des films ambitieux », clame cependant le réalisateur qui a dû mettre en vente son appartement parisien pour financer Vive la crise !

Pas question en revanche de vendre sa propriété de Champenard, en Normandie, qu’il a acquise dans les années 70 et où Vive la crise ! a été en partie filmé. Ce lieu a abrité de nombreux tournages du réalisateur, aussi bien des productions traditionnelles comme Tricheuse avec Hélène de Fougerolles et Zinedine Soualem ou des réalisations nettement plus coquines telles que Mai 68 en 69. A l’époque de l’âge d’or de la vidéocassette, Davy  éditait entre autres la collection « Les Films de ma vie » et avait fait bâtir à Champenard une usine pour dupliquer les cassettes. Les pornos étaient cependant conditionnés dans un atelier à part pour éviter les mélanges et ne pas inquiéter la clientèle. De nombreuses  célébrités du cinéma se sont également rendues à Champenard pour participer à de fastueuses fêtes à l’occasion de la sortie de tel ou tel film.