UN CADAVRE AU DESSERT

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Tout est sur le carton d’invitation. Nous sommes invités à un drôle de week-end à la campagne, dans les brumes anglaises d’un chateau très probablement hanté, au cours duquel un crime sera commis. Et tous les plus grands détectives de la planète sont de la partie. Ou plus exactement leurs caricatures. A commencer par les familiers d’Agatha Christie -- Hercule Poirot et Miss Marple, ici affublés d’accompagnateurs grotesques. En continuant avec un de leurs principaux concurrents, le détective Charlie Chan, sorte d’Hercule Poirot aux yeux bridés, héros de romans et de dizaines de films.
En y ajoutant encore quelques détectives issus de l’imagination noire de Dashiell Hammett, comme cette version peu orthodoxe de Sam Spade -- jadis immortalisé par Bogart -- et ici ridiculisé par Peter Falk;  ou encore Nick and Nora Charles, ici baptisés Dick and Dora, couple créé par Hammett dans son roman L’Introuvable (The Thin Man), transposé à l’écran avec beaucoup de succès (et d’ailleurs de nombreuses suites) et incarné par William Powell et Myrna Loy, et qui a certainement inspiré le couple héros de la série Chapeau melon et bottes de cuir, Steed and Mrs Peel. On retrouve d’ailleurs dans ce chateau de pacotille certains ressorts d’un des meilleurs épisodes de la série: ‘The house that Jack built’.
Et cet aréopage de personnages vedettes est servi par un casting non moins prestigieux où l’on retrouve les grandes figures britanniques de la comédie que sont David Niven, Alec Guinness et Peter Sellers, auxquels s’ajoutent, l’actrice anglaise Maggie Smith, dont la carrière ne se résume pas à son rôle de Prof Minerva dans Harry Potter, sans oublier, en vedette américaine, le copain de Cassavetes, Peter Falk.
C’est à une bataille d’esprits qu’est convié tout ce beau monde, avec à la clé, un million de dollars à qui saura résoudre l’énigme de ce meurtre promis mais qui reste à commettre. Le tout sous les yeux morts d’un majordome aveugle, assisté d’une cuisinière sourde et muette, et dans un décor qui n’est pas sans caricaturer aussi le fameux Limier de Mankiewicz, en 72, où Michael Caine et Laurence Olivier jouaient au chat, à la souris et réciproquement, pendant 2 belles heures de faux semblants.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE LIMIER (Autre huis clos à l'anglaise avec meurtre...) ou encore 10 PETITS NÈGRES (Un autre huis clos à l'anglaise, cette fois vraiment adapté d'Agatha Christie.).

C’est donc un film dont le scénario est signé Neil Simon, prolifique auteur américain de comédies pour Broadway depuis les années 60, et non moins prolifique adaptateur de ces mêmes pièces à succès pour le grand écran, même si, en l’occurence, ce n'est pas le cas... Il est ainsi responsable de nombreuses comédies où l’on croisait régulièrement Walter Matthau et Jack Lemmon, d’ailleurs réunis dans The Odd Couple (Drôle de couple en vf), film de 68 où cohabitent dans un même appartement deux hommes que tout oppose et dont il sera tourné une suite 30 ans plus tard, avec les mêmes.
Pour en revenir au roman noir, le clin d’oeil est ici appuyé. Pour les amateurs d’histoire, on peut rappeler que le personnage de Sam Spade est né en 1929 sous la plume de Dashiell Hammett, qu’il fut immortalisé à l’écran par Humphrey Bogart (en 41, dans Le Faucon maltais de John Huston) et qu’il inspira un autre personnage de détective au cuir épais, le Philip Marlowe de Raymond Chandler (39), qui fut également immortalisé à l’écran par Humphrey Bogart (en 46, dans le Grand Sommeil d’Howard Hawks). C’est de ce mélange de Spade, Marlowe et Bogart que se nourrit Peter Falk dans son personnage parodique, sachant que la blague possède un quadruple fond puisqu’il est lui-même à l’époque l’incarnation d’un autre détective à succès, le lieutenant Columbo.
Pour rester dans la rubrique livre, on peut signaler que c’est également le seul film où l’écrivain Truman Capote apparaît comme comédien. ‘Twuman Kepoti’ pour lui rendre sa prononciation originale, ou ‘Capoté’, pour reprendre la prononciation plus cubaine de son père adoptif, fut un romancier américain fort peu prolifique. Il est devenu célèbre au tournant des années 60 avec la parution de Breakfast at Tiffany’s, adapté à l’écran avec Audrey Hepburn sous le titre Diamants sur canapé, et De Sang Froid, son coup de maître, qui retraçait un fait divers sanglant au Texas, et qui deviendra un film de Richard Brooks (avec une musique de Quincy Jones) en 67. Après sa mort en 1984, à presque 60 ans, Capote deviendra lui-même un film, en 2005, quand Philip Seymour Hoffman lui prêtera ses traits et y gagnera au passage l’oscar du meilleur acteur.