RÉPARER LES VIVANTS

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Au départ, le titre du film est pour le moins intrigant. Mais très vite il prend tout son sens quand nous comprenons que le thème est celui d’une transplantation cardiaque. Il s’agit donc d’un geste presque mécanique consistant à prélever le cœur d’un jeune homme en état de mort cérébrale pour en équiper une femme d’âge mur au palpitant déglingué. L’acte médical a décidément des vertus que le cinéma français exploite depuis quelque temps avec gourmandise. La sortie presque concomitante de La Fille de Brest indique en tous cas que l’hôpital est le lieu adéquat pour éclairer la fragilité de la vie.

Mais Katell Quillévéré transcende son sujet. Sur l’acte médical, qui permet au film d’être un thriller, la cinéaste vient greffer quelques artères de poésie, développant une veine presque métaphysique. Comme s’il s’agissait de définir cette chose à la fois si triviale et pourtant si difficile à saisir qu’est la vie. Ce faisant, elle évite le drame sirupeux et propose à l’inverse comme une symphonie vitale qui célèbre à la fois les individus dans leur fragilité et la société qui les porte et met tout en branle pour parvenir à vaincre la mort.

Le film est adapté d’un best-seller signé Maylis de Kerangal. Nous devons à la romancière d’avoir également écrit Corniche Kennedy, que Dominique Cabrera a porté au cinéma avec beaucoup de doigté. Les deux livres, comme les deux films ont en commun d’exalter la jeunesse et les corps, mais aussi de mettre en scène la mer, source d’énergie mais aussi de danger. Une belle façon de se frotter au monde et à l’occasion de le défier.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA FILLE DE BREST (C'est une autre ode à la médecine et à ceux qui vouent leur vie à sauver celle des autres.) ou encore LA CHAMBRE DU FILS (C'est le même travail de deuil face à la mort d'un enfant.).

Réparer les vivants est donc au départ un roman dont le personnage principal est un cœur, que les aléas du destin vont faire migrer d’un corps à un autre. Le livre de Maylis de Kerangal est très descriptif, clinique même, qui dresse le portrait de chaque protagoniste du drame avec une précision chirurgicale. Adapté au théâtre, avant de l’être au cinéma, l’ouvrage a manifestement suscité bien des désirs. De tous les projets qui lui étaient soumis, l’auteur a choisi celui de Katell Quillévéré, qu’elle a examiné avec attention, faisant confiance à la puissance de son désir, comme elle le confessera par la suite, mais sans chercher à interférer dans la création de la cinéaste une fois les droits d’adaptation acquis.

Le film diffère du livre sur plusieurs points. Mais était-il possible de conserver la distance que les mots autorisent mais qui n’est plus de mise dès lors que les images interviennent ? Sans doute pas. Katell Quillévéré  a choisi de lâcher l’adolescent qui s’éteint plus vite que chez Maylis de Kerangal, pour mieux entrer dans l’intimité de celle qui va recevoir le précieux organe, qu’elle choisit d’âge mur, et homosexuelle de surcroit, histoire de braver toute tentation du politiquement correct. Mais la cinéaste n’a pas voulu nous livrer un simple thriller social. Aussi a-t-elle laissé libre cours à une certaine rêverie, ménageant des plages buissonnières dans un récit au départ très serré. Certaines séquences sont de ce point de vue un régal, et la scène de l’accident qui clôt la virée des surfers est un pur délice esthétique et sensoriel. Pour autant le film ne fait pas la moindre impasse sur l’authenticité de ce qui est montré. La cinéaste a passé des heures à l’hôpital, avec son coscénariste, Gilles Taurand, pour mieux s’imprégner de ce qui s’y noue. 

Réparer les vivants est le troisième long métrage de sa signataire, après Un poison violent et Suzanne. Les trois films ont en commun de mettre en avant l’insolente fragilité de la jeunesse à qui pourtant tout est promis. Mais Réparer les vivants diffère également grandement de Suzanne, flamboyant mélo qui s’étalait sur plusieurs décennies, un nid à ellipses. Tout se déroule au contraire ici sur quelques jours à peine et chaque étape du drame trouve sa place. Un défi pour la cinéaste qui à l’orée d’une carrière qui s’annonce somptueuse, sait prendre tous les risques…

RÉPARER LES VIVANTS (14) (Katell Quillévéré, FRA, 2016, 103min) : Mélodrame sensible retraçant les trajectoires croisées de Simon, jeune surfeur, décédé à la suite d’un accident de voiture sur le chemin du retour, et de Claire, femme atteint d’une grave maladie ...

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