NEPTUNE FROST

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Les sociologues sont nombreux à penser que dans les années à venir l'Afrique deviendra une des plus grandes puissances mondiales. Neptune Frost prend de l'avance en envisageant un Burundi du futur régi par les technologies les plus avancées. Ce qui n'empêche pas la persistance d'une lutte des classes, notamment pour les mineurs extractant des minerais rares comme le Coltan. La rencontre de l'un d'entre eux et d'un hacker intersexué va donner lieu aux débuts d'une insurrection civile. 

Pour autant qu'il exprime un sujet récurrent (l'exploitation des populations) dans l'histoire africaine, Neptune Frost est aussi une nouvelle page de l'Afrofuturisme, ce mouvement culturel entremêlant science-fiction, traditions séculaires et surréalisme. Très présent dans la littérature ou la musique africaine, il l'a plus rarement été dans le cinéma. Encore moins dans celui d'auteur. Le film de Saul Williams & Anisia Uzeyman marque plus encore une date quand il imprègne des thématiques récentes (les questions de genre et d'identités, le colonialisme technologique, le patriarcat...) dans un univers cyberpunk. 

Plus qu'une curiosité, Neptune Frost tient d'un complément comme d'une réponse à Black Panther, blockbuster Marvel qui a familiarisé les spectateurs de la planète entière avec l'Afrofuturisme. Les aventures de Matalusa et Neptune étant sa version transgressive et underground quand elles reprennent la main sur une esthétique et une culture africaine afin d'en faire un nouvel épicentre mondial. Du cinéma  libéré dans sa forme fantasque et dans son écriture mais surtout une inattendue poche de résistance quand il se fait manifeste prônant l'abolition de toutes les chaînes. Neptune, hacker génial étant sans doute l'emblème d'une nouvelle génération d'artistes, piratant les consciences pour mieux les libérer. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver AFROFUTURISTIK (Film a sketchs regroupant des courts métrages afrofuturistes) ou encore BLACK PANTHER (Le film qui a popularisé les codes de l'afrofuturisme dans le monde entier.).

La liberté de ton de Neptune Frost n'est pas fortuite. Saul Williams et Anisia Uzeyman ont laissé leur projet prendre sa propre vie dès le départ : il a d'abord été question d'un roman graphique, puis d'un spectacle musical. L'idée d'en faire un film est venu de séjours en Afrique. D'abord au Sénégal puis au Rwanda. Là bas, ils collecteront des dizaines d'anecdotes glanées au gré de rencontres, leur donnant le ressenti d'une nouvelle génération d'activistes. Il sera renforcé par des vagues de fond alors en cours, des Printemps arabes aux massives manifestations d'étudiants au Burundi. Le véritable choc venant de leur découverte des colossales décharges électroniques, où s'entassent par milliers les carcasses d'ordinateurs et autres téléphones portables jugées obsolètes par le reste du monde. Le contraste avec la proximité de mines de terres rares, denrée indispensables pour créer ces objets, confortera le couple d'y situer leur film comme d'en faire un récit de révolte. 

Elle passera par un univers prenant en compte les révolutions industrielles et culturelles - de l'impact des algorithmes sur le quotidien aux transformations du monde du  travail liées aux univers virtuels – comme les visions poétiques de Williams, connu en tant qu'écrivain et slammeur. Conçu comme un relais entre ces mutations sociales concrètes et aux intuitions de l'inconscient de Williams, Neptune Frost ricochera tout autant sur le travail musical de l'artiste, alliant bases folkloriques et électroniques, lorsqu'Uzeyman et lui s'apercevront qu'un groupe de tambours burundiens, jouant des musiques selon des traditions ancestrales, formé de réfugiés vit dans la région où ils allaient tourner. 

Le foisonnement du projet, tant dans sa part créatrice que dans son fond politique remontera jusqu'aux oreilles de Lin-Manuel Miranda, autre artiste multiple, mondialement connu pour ses comédies musicales (Hamilton, In the Heights...) questionnant la reconnaissance de la diaspora latino-américaine qui deviendra co-producteur de Neptune Frost. Une passerelle entre l'Afrique et l'Amérique encore moins illogique quand le film de Williams et Uzyman invoque un passé commun : Neptune Frost c'est aussi le nom d'un soldat noir, révolutionnaire ayant servi dans l'armée continentale de George Washington...