LES FANTÔMES D'ISMAËL

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« Sitôt passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre ». C’est l’angoissant carton qui, dans Nosferatu le vampire le film réalisé en 1922 par Murnau, accompagne l’arrivée au château de Nosferatu dans les Carpates du jeune agent immobilier Thomas Hutter. Et c’est alors que les ennuis commencent. Le cinéma a donc toujours aimé les fantômes. Le cinéaste cinéphile Arnaud Desplechin devait bien un jour s’intéresser à un fantôme…

Et c’est précisément ce qu’il a fait en 2017 avec son douzième film, Les Fantômes d’Ismaël  dont le synopsis tient en une simple et unique phrase : « A la veille du tournage de son nouveau film, la vie d’un cinéaste est chamboulée par la réapparition d’un amour disparu… ». Le cinéaste est joué par Mathieu Amalric tandis que Charlotte Gainsbourg incarne sa compagne et qu’il revient à Marion Cotillard de jouer la revenante, celle qui remet tout en cause. Le vrai-faux fantôme, c’est elle.

Dans une superbe note d’intention, Arnaud Desplechin va un peu plus loin et résume ainsi son film : « C’est le portrait d’Ivan, un diplomate qui traverse le monde sans rien y comprendre. C’est le portrait d’Ismaël qui traverse la vie sans rien y comprendre non plus. C’est le retour d’une femme d’entre les morts. C’est aussi un film d’espionnage. » Mais il est temps d’aller nous aussi à la rencontre de ces fantômes…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'AVENTURE DE MADAME MUIR (Une autre variation, plus légère, sur le thème du fantôme, cette fois masculin.) ou encore QUAI D'ORSAY (La diplomatie fait partie intégrante des thèmes abordés par Arnaud Desplechin. Comme dans le film de Bertrand Tavernier qui oscille entre gravité et légèreté.).

Depuis Vertigo d’Alfred Hitchcock, il est difficile pour un cinéaste d’appeler impunément son héroïne Carlotta. Le double personnage féminin joué par Kim Novak plane sur tout autre personnage. Mais ici, chez Desplechin, la référence au maître est clairement affirmée puisqu’on entend même la musique de Pas de printemps pour Marnie jouée sur un piano. Le personnage incarné par Marion Cotillard s’appelle donc tout naturellement Carlotta. De même que le cinéaste en proie au doute absolu que joue Mathieu Amalric puise sa généalogie dans le cinéaste que jouait Mastroianni pour le Huit et demi de Fellini.

Mais, comme on l’a vu, Carlotta est un fantôme bien vivant même si elle revient d’entre les morts et doit reconquérir jusqu’à son Etat-civil. Les autres fantômes d’Ismaël sont plus présents encore dans son esprit d’artiste en mal d’inspiration. Qu’il s’agisse de celui de son propre frère, Ivan le diplomate, qui lui non plus n’est pas mort. Ou bien son propre double qui sonne à la porte de sa maison de Roubaix. Sans oublier l’actrice de son film qu’il confond avec son personnage…

Pour la première fois dans sa filmographie, Arnaud Desplechin a choisi de faire du protagoniste du film un cinéaste. L’effet miroir est alors garanti, même s’il est forcément déformé et déformant à souhait. Le propre du cinéaste est de brouiller les pìstes autobiographiques pour explorer les terres bien plus fertiles de la fiction, du songe et du mensonge. C’est pourquoi la figure du cinéaste Ismaël ne saurait être assimilée à celle du cinéaste Desplechin. Même si l’un comme l’autre prennent un malin plaisir à entraîner leurs spectateurs dans d’immenses labyrinthes romanesques.

LES FANTÔMES D’ISMAËL (15,4) (Arnaud Desplechin, FRA, 2017, 134min) : Cette ambitieuse partition multigenre dépeint les tourments d’un cinéaste en phase d’écriture et qui voit ressurgir un amour disparu depuis plus de vingt alors qu’il a trouvé un nouvel équilibre ...

La mysticité du titre ne révèle rien du nouveau film d’Arnaud Desplechin, toujours en proie aux passés et destins de ses personnages. Les fantômes hantent les images et écrits du réalisateur. Deux ans après Trois souvenirs de ma jeunesse, les résurgences fantasmées ...

Alors que sa femme débarque dans son salon comme une fleur après 20 ans de disparition radar, la seule chose qu’Ismael parvient à lui dire est : « tu as vieilli ». C’est un peu ce qu’on aurait également envie de rappeler à Arnaud après 25 ans de carrière tant son ...