GOOD MORNING ENGLAND

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Les Kinks, Dusty Springfield, Leonard Cohen, Cat Stevens, Les Beach Boys, Les Moody Blues, Les Supremes, Jeff Beck, Van Morisson, Les Yarbirds, Otis Redding, Les Troggs, Cream, Jimi Hendrix, David Bowie, Smokey Robinson, et enfin Les Who (soupir) Rarement bande originale de film aura rassemblé autant de grands artistes pop que celle de Good Morning England. Il faut dire que le rock n'est pas qu'un habillage décoratif pour cette comédie anglaise débridée située dans les sixties : c'est son principal sujet. Good Morning England, titre français évidemment inspirée de Good morning Vietnam, raconte ainsi l'épopée d'une radio pirate installée sur un chalutier en mer du Nord, dont l'existence se voit menacée par le gouvernement de sa Majesté, qui voit d'un mauvais oeil, et entend surtout d'une mauvaise oreille, que quelques DJ visionnaires fassent swinguer la jeunesse britannique au son diabolique du rock n' roll.

Emmenée par le génial Philip Seymour Hoffman, une troupe de huit DJs se relaie ainsi jour et nuit pour diffuser le meilleur de la musique pop, rock, et soul, qui à l'époque n'avait pratiquement pas droit de cité sur les ondes officielles de la BBC. Ce n'est pas la première fois que Philip Seymour Hoffman incarne un personnage excentrique. Cet acteur au charme fou, qui néanmoins se laisse parfois déborder par sa tendance au cabotinage, avait été remarqué pour la première fois en 1998 dans Boogie Nights de Paul Thomas Anderson, où il jouait un pornophile amoureux de Mark Wahlberg. Plus tard, on le retrouva à l'affiche de Magnolia (toujours de Paul Thomas Anderson), Happiness, Mission Impossible 3, ou encore Truman Capote, des films que son jeu subtilement contaminé par la névrose charge d'une inquiétante énergie. On ne citera pas tous les acteurs mais signalons tout de même la présence, parmi les huit joyeux lurons, de Nick Frost, le complice de Simon Pegg dans Shaun of the Dead et Hot Fuzz.

Hoffman, Frost et les autres sont en tout cas admirablement dirigé par le capitaine de bord, Richard Curtis, réalisateur anglais habitué des castings pléthoriques : son premier film n'était autre que Love Actually, une comédie romantique so british avec Liam Neeson, Hugh Grant, Colin Firth, Keira Knighley et Rowan Atkinson. Pour l'anecdote, ce dernier, alias Mister Bean, est un compagnon de longue date de Richard Curtis puisqu'ils ont crée ensemble le personnage de Bean dans les années 90. Pour finir, il est bon de savoir qu'avant de passer à la réalisation, Curtis a été le scénariste d'à peu près toutes les comédies romantiques anglaises importantes dernières années, à savoir : Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill et Le Journal de Bridget Jones... Maintenant que les présentations avec l'équipage sont faites, il ne vous reste plus qu'à apprécier la croisière et vous laisser bercer par le flot électrisé de Radio Rock.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PUMP UP THE VOLUME ou encore PRESQUE CÉLÈBRE .

Good Morning England est inspiré de l'histoire vraie de Radio Caroline, une radio pirate qui émettait dans les années 60, dans des conditions proches de celles qu'on peut voir dans le film. Il faut savoir qu'à l'époque, seule la BBC avait le droit d'émettre en Angleterre (entre parenthèse, la situation était similaire en France et partout en Europe, mais pas aux Etats-Unis qui avaient tout de suite fait le choix de la libéralisation). Seule la BBCémettait, donc, et ses programmes ne contenait pratiquement pas de musique rock, si ce n'est une petite fenêtre de 2h par semaine, une sorte de ghetto toléré par gouvernement, qui pensait le rock n'était qu'une mode passagère, abandonnée par la jeune génération sitôt celle-ci engagée dans la vie active... Paradoxalement, il était donc presque impossible, avant l'arrivée des radios pirates en 1964, d'entendre les Beatles ou les Rolling Stones dans le pays qui les avait inventés. Or quand on sait la popularité de ces groupes à l'époque, on peut facilement en déduire la popularité des radios pirates : on estime ainsi qu'en 1996, un Anglais sur deux se branchait régulièrement à l'une d'entre elles.

S'il dit s'être inspiré de Radio Caroline pour l'histoire (tout en se laissant une marge fictionnelle, bien évidemment) Richard Curtis affirme que ses modèles en terme de mise en scène sont M.A.S.H. de Robert Altman et American College de John Landis. On reconnaît en effet dans Good Morning England le style potache et le ton satirique de ces deux monuments de la comédie américaine. Construits en saynètes drolatique, MASH et American College ambitionnaient au fond la même critique de l'autorité, militaire pour le premier, scolaire pour le second. Outre ces deux films, citons également Presque Célèbre de Cameron Crowe, consacré lui aussi à la pop music et partageant avec Good Morning England le fait de montrer la libération des moeurs à travers les yeux d'un adolescent candide, propulsé dans un monde de plaisirs interdits qui le fascine.

Car finalement, le véritable sujet du film, il est là, dans l'affirmation de la musique comme instrument de libération et dépassement des interdits. Le rock est la première musique de masse conçue par et pour une génération spécifique, l'accompagnant dans ses luttes, anticipant ses désirs, et parfois aussi, hélas, l'enfermant dans ses clichés. Comme en témoignent dans le film les nombreux inserts sur de jeunes Anglais scotchés à leur poste, les Djs furent leurs gourous, les radios pirates leur catéchisme. Les pochettes de disques qui se succèdent au son du Let's Dance de David Bowie dans le générique de fin, résumé de quelques quarante années de rock en moins de 10 minutes, apparaissent alors comme un magnifique hommage à cette culture, qui n'a aujourd'hui plus à se proclamer pirate puisqu'elle devenue majoritaire et disponible en tout lieu et à tout heure.