EN DÉCALAGE

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Dans le monde des auditoriums, là où l’on joue avec le son des oeuvres audiovisuelles, règne une ambiance mystérieuse et un peu surréelle. L’héroïne du film découvre que son cerveau a un temps de retard par rapport à la réalité. Elle n’est plus synchrone… Ce qui est fâcheux pour un ingénieur du son… 

« En décalage » dont le titre original est « Tres » nous vient d’Espagne et il est signé de Juanjo Giménez Peña. Le film est sorti en France en 2022 et il se sert de l’écart entre l’image et le son pour inventer une histoire fantastique. C’est un peu une aventure avec micro paradoxe temporel. 

L’héroïne, interprétée par la délicieuse Marta Nieto (vue dans « Madre » de Rodrigo Sorogoyen dont elle est la compagne), est-elle victime d’une maladie mentale inédite ou serait-elle la cible de quelque improbable agression ? Vous le saurez en regardant cette oeuvre qui joue avec les codes du cinéma et de la postproduction. Ouvrez grands les yeux : Après tout, la lumière va bien plus vite que le son.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver CONVERSATION SECRÈTE DE FRANCIS FORD COPPOLA (1974) (Palme d'or à Cannes, ce film de Francis Coppola montre le dilemme d'un homme qui enregistre les conversations de civils qui révèlent qu'ils sont menacés. Doit-il intervenir ?) ou encore BLOW OUT DE BRIAN DE PALMA (1981) (John Travolta est lui aussi ingénieur du son et il enregistre malgré lui les bruits d'un accident de voiture. Sa bande révèle que l'accident était en fait un attentat contre un candidat à la présidence.).

L’histoire est belle : Juanjo Giménez Peña en travaillant sur le scénario ne s’est pas préoccupé de savoir si son syndrome existait ou non. Jusqu’à ce qu’il apprenne que dans le spectre des troubles psychosensoriels il existait des cas de désynchronisation réelle. C’est le cas notamment chez certains autistes mais aussi chez des personnes apparemment « normales ». Ces gens vivent avec un retard temporel entre ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent. 

Du coup, pour créer l’illusion de ce que ressent l’héroïne, le cinéaste et son chef opérateur ont défini une grammaire bien particulière. Les axes synchrones d’un côté et ceux qui sont désynchronisés, de l’autre. Ainsi le film est construit sur deux univers qui cohabitent mais dont l’un est quasiment parallèle. Bref il a fallu tourner « à côté » et créer ainsi ce monde inquiétant où tout paraît désorganisé. 

Le cinéaste espagnol n’est pas totalement un inconnu qui a reçu la Palme d’or et l’Oscar pour son court métrage « Timecode » en 2016. Déjà il s’intéressait aux impacts de l’images et du son dans nos vies, avec un récit construit à partir d’images captées par des caméras de surveillance dans un parking. Auparavant, ce quinquagénaire avait fait carrière dans la production et la réalisation de documentaires. « En décalage » est son premier long, sorte de passage à l’acte même si l’œuvre est en retard sur sa vie…

Réalisateur singulier ? Sans aucun doute. Œuvre singulière ? Oh que oui! Œuvre expérimentale aussi mais en même temps pas difficile pour le public dans laquelle le physique et le neurologique se confondent.Un mélodrame fantastique passionnant et précis pour peu qu'on ...

Nombreux sont ceux qui ont découvert la merveilleuse Marta Nieto dans Madre (court-métrage puis long) de Rodrigo Sorogoyen et qui attendaient avec impatience de la revoir en tête d'affiche. Espérance comblée dans le très sensoriel En décalage, du cinéaste barcelonais ...

L’effet d’éclairage projeté par les titres, avec leurs variations selon le pays de sortie du film, est assez incroyable et ce premier long-métrage de l’Espagnol Juanjo Giménez (18 avril 1963 -) le vérifie hautement. Le titre français, « En Décalage », privilégie ...