CHÈRE LÉA

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Vous vous apprêtez à découvrir une comédie romantique épistolaire. Un genre rare s’il en est, qui à donné quelques très jolis films par le passé, comme Rendez-vous The Shop Around The Corner, tous deux signés Ernst Lubitsch ; et puis plus près de nous Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, ou encore P.S. I Love You avec Hilary Swank.  

Le film de Jérôme Bonnell introduit cependant une variante. Il n’y a pas échange ici entre Jonas (Grégory Montel) et Léa (Anaïs Demoustiers), ils se connaissent, ils viennent de rompre et c’est lui qui un jour, au terme d’une nuit particulièrement arrosée, se pose dans un café en face de chez elle et entreprend, toute une journée durant, de lui écrire une longue lettre, en espérant, peut-être, la reconquérir.  

Jérôme Bonnell, est avec Emmanuel Mouret, l’un des spécialistes de la petite musique du cœur. Son cinéma, souvent, prospère et fleurit à l’ombre de beaux personnages féminins. Dans Le Temps de l’aventure il faisait le portrait d’une femme sur une journée. Ici, en s’appuyant sur la même unité de temps, il place un homme avec toutes ses faiblesses au centre de l’écran : Grégory Montel, révélé au grand public avec son rôle d’agent de stars dans la série 10%. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver J'ATTENDS QUELQU'UN (2013) (L'amour est invariablement l'enjeu des histoires que nous raconte Jérôme Bonnell et ici déjà l'ambition est de respecter une unité de temps, où tout se joue dans une seule journée.) ou encore LETTRE D'UNE INCONNUE (1948) (L'amour dans sa forme épistolaire a donné nombre de films intéressants comme ce chef d'oeuvre de Max Ophuls (1948)).

Chère Léa est né d’une frustration. Peu avant, Jérôme Bonnell avait écrit un film, avorté faute de financement. Alors dépité, il s’est lancé dans un projet plus modeste. Revenant à ce qu’il appelle les “fondamentaux du cinéma” il s’est fixé un cadre, avec l’idée de mettre “autant de soin dans ce qui est montré que dans ce que l’on cache. J’ai eu l’idée d’un film sur le hors-champ : un hors-champ temporel, géographique, et, précisément, le hors-champ de la passion amoureuse." 

Le film offre ainsi une illustration plutôt fine de la douleur amoureuse et, en creux, une réflexion sur l’état de passion, qui met son protagoniste hors la vie, devenant le témoin de sa lâcheté affective. Jérôme Bonnell, avoue que Claude Sautet et François Truffaut l’ont “marqué à vie”. Mais le cinéaste français le plus fondateur pour lui, c’est Jacques Becker, avec des films comme Édouard et Caroline, Antoine et Antoinette, Rendez-vous de juillet, dont le réalisateur loue “l’apparente légèreté” et leur capacité à saisir l’esprit du temps, des rues de Paris, et toucher l’universel sans en avoir l’air”. 

Grégory Montel, révélé par la série 10%, trouve ici un premier rôle marquant, bien qu’il ne s’agisse pas de sa première apparition au cinéma. Jérôme Bonnell gardait en tête L’air de rien, sorti en 2008 dans lequel le comédien donnait la réplique à Michel Delpech. “Gregory joue parfaitement la roublardise de ces moments de rupture où quand on écrit une lettre enflammée, on tombe un peu amoureux de soi-même en train de l’écrire. Il a su parfaitement traduire ces sentiments ambivalents à l’écran”. A noter, qu’à la demande de son metteur en scène, après avoir lu la correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès, Grégory Montel a réellement rédigé cette lettre, “parfois en mode écriture automatique”, parfois en se souvenant de ses débuts et “en réglant ses comptes avec le milieu dit-il. C'est devenu mon journal intime !”

Il faut que je vous parle de Chère Léa. Bon, il y aura sans doute des spoilers par-ci par-là, je ne saurais même pas ce qu'il faut griser ou non, donc je vous laisse ne pas lire si ça vous effraie.Hier, jour de sortie, un flot humain se déversait à la fin d’une séance ...

Parfois il ne faut vraiment pas grand-chose pour qu’un film nous plaise, nous charme et nous emporte. Et comme la plupart de la filmographie du trop rare Jérôme Bonnell, ce « Chère Léa » ne déroge pas à la règle et y réussit avec trois fois rien mais beaucoup de cœur ...

Un film qui fait du bien... Des acteurs justes, un bistrot mythique, une délicatesse des propos et des situations... Tendresse pour les personnages, film totalement à contre-courant des valeurs dominantes d'aujourd'hui... Une bulle de savon bien filmée, une humanité rafraîchissante... Bref, ...