CELUI QU'ON ATTENDAIT

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Celui qu’on attendait, c’est l’histoire d’un homme qui est d’abord pris pour un espion avant d’être considéré comme le messie. Tourné en Arménie, avec une pléiade d’acteurs attachants autour du français Patrick Chesnais, cette fable cocasse et touchante est une ode à la tolérance. Un film qui a des faux airs de western par moments, avec son décor aride et montagneux, ses personnages truculents et poétiques, ses empoignades et ses réconciliations. Au milieu d’un casting entièrement arménien, et aux côtés d’Arsinée Khandjian, l’épouse et actrice fétiche du réalisateur Atom Egoyan, Patrick Chesnais rejoue cette figure qui lui est familière de mauvais coucheur amenée à faire valoir sa grande humanité.

Acteur de théâtre, Jean-Paul Bolzec, vient tout juste de donner un spectacle en Azerbaïdjian quand il est lâché par son taxi sur la route du retour. Il franchit sans s’en rendre compte la frontière arménienne,  et se retrouve aux prises avec une bande de villageois qui pensent avoir affaire à un espion à la solde de leur voisin azerbaïdjanais. Lorsqu’ils apprennent qu’il est français, ils le relâchent… enfin, façon de parler. Prêts à tout pour le retenir ils se sont mis en tête que sa présence ne devait rien au hasard, qu’il est l’homme providentiel qui va régler tous leurs problèmes et surtout… toutes leurs factures.

C’est une comédie qui flirte avec le drame tout en ayant l’élégance de ne jamais y tomber. Un film bourré de clins d’oeil à la situation actuelle dans lequel un personnage de mafieux local s’appelle Sakho et un autre Shirak. Mais c’est aussi un récit et une esthétique qui puisent dans la BD et notamment dans l’univers de Tintin. On s’y bat pour la dignité mais aussi pour le droit au confort le plus élémentaire, l’argent y est rare et précieux, la corruption est un mal nécessaire et le retour à la raison et à la paix une entreprise de longue haleine. Et on y voit une sorte de mini guerre civile trouver la voie d’une résolution grâce à l’arrivée, tel un chien dans un jeu de quilles de cet homme qu’on attendait, référence à un mythe arménien mais partagé par tous, celui de l’homme providentiel.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'IMPOSTEUR DE LUIGI COMENCINI (1982) (Parce que Luigi Comencini y met en scène (en 1982) une semblable histoire de faux messie, joué par le sulfureux comique italien Bepe Grillo) ou encore ARARAT DE ATOM EGOYAN (2002 (Parce que le canadien Atom Egoyan, lui-même d'origine arménienne, y rend un hommage vibrant au pays de ses ancêtres.).

Le nom du réalisateur de Celui qu’on attendait ne vous est certainement pas inconnu. Il s’agit de Serge Avedikian, plus connu en tant que comédien, notamment dans des films comme Poulet aux prunes de Marjane Satrapi ou encore L’armée du crime de Robert Guediguian. Mais les plus cinéphiles d’entre vous gardent sans doute en mémoire son interprétation impressionnante dans Le pull over rouge de Michel Drach en 1979, inspiré de l’affaire Christian Ranucci. Réalisateur d’une quinzaine de courts métrages depuis la fin des années 80, il signait en 2015 son premier long, un documentaire sur Serguei Paradjanov, le grand cinéaste et artiste géorgien.

Avec Celui qu’on attendait, Serge Avedikian voulait raconter l’histoire d’un personnage perdu en milieu hostile et en tirer un récit qui puisse avoir une dimension universelle, à la fois grave et légère. Pour le rôle principal, il cherchait un acteur d’âge mûr, un peu rustique, qui apparaisse suffisamment déphasé pour provoquer des moments de comédie et assez humain pour pouvoir rester ouvert aux autres. Il a trouvé en Patrick Chesnais, éternel râleur sympathique du cinéma français un interprète idéal.

Patrick Chesnais… qui a promené sa silhouette élastique, son éternelle moustache et ses coups de gueule dans plus d’une centaine de films en quarante ans de carrière. Consciencieux il a une méthode de travail bien à lui. Avant de tourner, il noircit des petits carnets de tout ce que le scénario lui inspire comme questions, comme idées de jeu et ce n’est qu’après qu’il apprend son texte. La difficulté majeure qu’il a rencontrée sur Celui qu’on attendait tenait à la langue. A l’image de son personnage, il était totalement perdu au début du film et toutes les premières scènes se sont tournées telles qu’elles sont dans le film, les comédiens arméniens ne comprenant rien de ce qu’il disait et réciproquement. Un aspect auquel tenait le réalisateur pour appuyer l’un des thèmes majeurs du film : l’incommunicabilité.

Patrick Chesnais est magistral dans ce film qu'il porte quasiment tout seul. En voyage en Azerbaïdjan pour le travail, le taxi qui l'emmène à l'aéroport le plante au milieu de nulle part. Le voilà à pied, cheminant au hasard, arrivant en Arménie. Problème : l'Arménie ...