CARRIE AU BAL DU DIABLE

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Adaptation du premier roman de Stephen King, publié deux ans auparavant, Carrie au bal du diable, réalisé en 1976 par Brian De Palma, est un jalon essentiel du cinéma d’horreur moderne et un classique de ce que la critique anglo-saxonne a baptisé le « teen horror », autrement dit le cinéma d’épouvante de l’adolescence, mettant en jeu les troubles de jeunes héros mal dans leur peau et en rébellion

Ainsi Carrie White, souffre-douleur de sa classe, endure les humiliations cruelles des autres filles, impitoyables envers sa timidité. Carrie ne sait rien du sexe. Elle est élevée par une mère évangéliste folle qui lui interdit les sorties, et voit les garçons comme l’incarnation du diable, et qui la punit quand Carrie a ses premières règles. Cet incident, survenu sous la douche des vestiaires du gymnase, révèle à l’adolescente, poussée à bout par les autres filles, ses pouvoirs télékinésiques hors du commun. Prenant de l’assurance, elle brave les interdits de sa mère. Quiconque lui fera désormais du mal se trouvera en grand danger puisque Carrie peut transformer en arme n’importe quel objet par la seule force de sa pensée.

Sissy Spacek, incarnant Carrie, dans sa robe maculée de sang, le regard exorbité par une implacable colère, reste l’une des plus fabuleuses images du teen horror des années 1970, représentative d’une féminité qui sort de plusieurs décennies de soumission. Le succès du film propulse Stephen King au sommet de la littérature fantastique. Passionné par son roman, De Palma avait convaincu la United Artists de lui en confier l’adaptation. Il y creuse les thématiques de ses premiers succès, Soeurs de sang et Phantom of the Paradise : l’ambiguïté féminine et la marginalité.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver THE TOXIC AVENGER (De Lloyd Kaufman, 1985: Melvin, souffre-douleur d'une bande de collégiens, devient un superhéros radioactif et se venge de ses bourreaux.) ou encore THE BABY (De Ted Post, 1973. Autre cas de mère névrosée et de maltraitance.).

Une telle réussite suscitera deux remakes et une séquelle. Ni le téléfilm Carrie de David Carson, Carrie la vengeance de Kimberly Pierce et le grotesque Carrie 2 : la haine ne parviennent au niveau du modèle. Si certains trucages chez Brian De Palma sont datés, l’intensité horrifique ne faiblit jamais, mettant en cause ce que les remakes n’oseront plus aborder : le danger du fondamentalisme religieux. De Palma le traite avec des excès presque comiques, poussant Piper Laurie, interprétant la mère de Carrie, à un jeu outrancier.

De Palma fait ainsi basculer des scènes entières de son teen horror dans les tréfonds les plus dérangeants d’un autre genre spécifique : la hagsploitation, qui désigne les films d’épouvante centrés sur les abominations de vieilles marâtres névrosées. Princesse des mille et une nuits de productions en Technicolor de la Universal, Piper Laurie n’avait plus tourné depuis L’Arnaqueur en 1961. A quarante-quatre ans, elle prend la relève d’un registre hystérique dominé par Bette Davis, Joan Crawford et Shelley Winters.

Pour Pascal Françaix, auteur d’une étude fouillée des teen horror, cette tyrannique génitrice évoque « la Mrs. Bates de Psychose, singulièrement dans les scènes finales où elle poursuit Carrie en brandissant un couteau de cuisine. On sait, écrit-il, que les crimes de Norma Bates étaient commis par son fils travesti ; Mrs White, à sa façon, est également un drag : ayant intériorisé les règles du patriarcat et son rejet de la sexualité féminine, elle incarne la loi du père. » Analyse séduisante puisque De Palma vénère Alfred Hitchcock et que l’école de Carrie est la Bates High School.

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