BANEL ET ADAMA

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« Banel et Adama, Banel et Adama, Banel et Adama. » Voilà ce que se répète en boucle la jeune Banel, dans son village reculé du nord du Sénégal. Comme s’il fallait absolument que son couple avec Adama existe aussi par les mots. Tous deux ont de la chance : dans une société où les mariages sont arrangés, ils ont fini ensemble et s’aiment d’un amour profond. Si profond, d’ailleurs, qu’ils songent à partir et laisser là le bourg, les gens et le troupeau de vaches qu’ils ont toujours connus. Vivre leur vie à deux, élargir leurs horizons, Banel en rêve. Et pour la suivre, Adama est même prêt à refuser de devenir le chef du village. Mais ses obligations finissent par le rattraper.

Le premier long-métrage de la Franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy, intégralement tourné en pulaar (une variante du peul), laisse déjà présager du talent de la réalisatrice. En moins d’une heure et demie, elle parvient à déjouer toutes les attentes. À quitter le naturalisme attendu au vu du sujet, d’abord, pour convoquer une ambiance à la limite du surnaturel. Ensuite, à emmener son héroïne vers des contrées inattendues, depuis les carcans trop serrés d’une société patriarcale jusqu’au bord de la folie.

Sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes (un tour de force pour un premier film), Banel & Adama est tout à la fois le récit d’une émancipation féminine et le portrait nuancé d’un amour fou, donc dangereux. Ramata-Toulaye Sy emprunte aux grandes figures antiques comme aux contes et légendes sénégalais et, surtout, n’a peur de rien. Ni de prendre son temps avec un film contemplatif, ni de crier son désir de cinéma avec sa mise en scène léchée.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver HIROSHIMA MON AMOUR (Parce que l'époque et le pays ne sont pas les mêmes mais il reste l'essentiel : un amour dévorant et désapprouvé par tout le monde.) ou encore ATLANTIQUE (Parce que la réalisatrice Mati Diop avait déjà dépeint une merveilleuse histoire d'amour sénégalaise.).

Au départ, voilà une femme empêchée, inquiète de ne jamais pouvoir vivre sa vie et de devoir se soumettre aux injonctions de son village : rester à sa place, s’occuper aux champs, enfanter le plus vite possible. À la fin, tandis que se dévoile son terrible secret, la jeune Banel apparaît plus inquiétante, moins dévorée que dévorante, armée de son amour et son lance-pierre, prête à tirer sur tout ce qui bouge et se mettra en travers de son chemin. C’est grâce à cette figure féminine délicatement ambigüe, joliment incarnée à l’écran par Khady Mane, que Banel & Adama impose son originalité.

Mais Ramata-Toulaye Sy, qui a suivi les cours de la Fémis en scénario, exprime également tout son talent dans sa mise en scène. Loin d’une carte postale, son Afrique à elle, étouffée par la sécheresse, se ternit, voire disparaît dans un nuage de poussière, tandis que l’étau du destin se referme sur ses personnages. En ayant recours à des effets qui viennent tordre la perception, comme un objectif fisheye ou un travelling compensé (qui consiste à combiner un travelling et un zoom inversés, comme l’avait fait par exemple Alfred Hitchcock dans Sueurs Froides), la réalisatrice suggère le basculement de Banel dans la folie.

Mais Banel & Adama, au-delà de ses qualités visuelles et narratives, est aussi un film fondamentalement politique. Dans sa construction même, alors qu’il emploie une grande part d’acteurs non professionnels et que la réalisatrice a choisi de tourner au Sénégal, en langue peule. Dans son propos aussi, en abordant le sujet du dérèglement climatique sans pour autant filmer à proprement parler la misère, motif récurrent dans le cinéma africain. Ramata-Toulaye Sy s’accroche à son histoire d’amour avant tout, y greffant une réflexion sur les coutumes archaïques qui régissent (et pourrissent) la vie de toutes et tous, et sur les conflits culturels et sociaux qui habitent chaque société. En cela, Banel & Adama est une petite révolution, politique et esthétique.

-Un Drame de Ramata Sy. Premier film de la réalisatrice. Un film bizarre, original, mystique, cependant très simple et très très beau, très fort et facile esthétiquement et impressionnant philosophiquement (idéologiquement); j'aurais bien dit que c'est ma palme d'or ...

La sélection en compétition au Festival de Cannes peut se révéler un cadeau empoisonné : voir un premier film propulsé au milieu des habitués et de la crème du cinéma mondial a non seulement de quoi intimider, mais peut aussi desservir la réception d’un film qui sera ...

Une grande sensation de plénitude émane de chaque instant passé devant Banel & Adama. Dès les premières scènes, on se retrouve immergé au cœur de cette région désertique sénégalaise, loin de l'agitation du monde occidental. La manière dont Ramata-Toulaye Sy ...