L’inspiration d’Azur et Asmar plonge dans une référence européenne et moyen-orientale. On est du côté de La Fontaine, du roman courtois ou encore de Shéhérazade et Michel Ocelot est à la fois plus fabuliste que conteur, plus illustrateur qu’animateur. Son discours lui, est absolument contemporain. Il n’est pas difficile de voir en Azur le petit français issu d’une longue généalogie et dans Asmar le petit français né de l’immigration. Mais l’idéologie reste diffuse et il faut voir dans la quête des deux héros du film une croisade pour la paix déguisée en fée des djinns.
Le film parle français et arabe classique ce qui lui a valu quelques déboires à l’exportation. Sans parler de la scène d’allaitement du début qui a freiné son exploitation aux Etats-Unis… Ce qui prouve que le message d’universalité passe parfois pour impudique. C’est un film produit par Nord-Ouest société où officie Christophe Rossignon, l’homme qui permit à des cinéastes comme Gaspar Noé, Mathieu Kassowitz ou Philippe Lioret de s’exprimer depuis le début du 21e siècle. Doté d’un budget de 10 millions d’euros, somme coquette quoique modeste au regard des productions d’animation américaines, le film a été prévendu dans 35 pays et a bénéficié d’un fort soutien de l’Etat et des régions. C’est que Michel Ocelot est devenu une gloire nationale, tout auréolé du succès planétaire de son Kirikou. L’homme n’était pourtant pas tombé de la dernière pluie. Agé de 63 ans au moment de la sortie du film, il a derrière lui 9 courts métrages et trois longs et une pluie de récompenses dans les festivals aux quatre coins du monde.
Formé aux Arts décoratifs à Paris, ainsi qu’au California Institute of the arts aux Etats-Unis dans les années 60, il a travaillé sur des techniques d’ombres chinoises à partir de papiers découpés. D’où le côté vitrail de ses films. Sur Azur et Asmar, après une année de préparation ce sont 1300 plans qui ont été réalisés l’année suivante, suivis par dix-huit mois de postproduction. En tout près de quatre années d’un travail méticuleux ! Pour créer ses décors le maître ne travaille qu’à partir de livre d’art ou d’illustrations. Pour la scène finale il s’est inspiré de l’architecture et de la décoration de Sainte-Sophie, ancienne basilique byzantine devenue une mosquée puis le grand musée d’Istanbul, un lieu de syncrétisme qui servait bien son propos. Ainsi bien sur que des paysages et des monuments d’Andalousie et d’Afrique du nord.
Et puis la touche finale fut donnée sur le plan musical par le franco-libanais Gabriel Yared lui-même issu de deux cultures. Kirikou, Azur, Asmar, avec Michel Ocelot élevé en Afrique, l’imagerie française est délicieusement métissée.