ABRACADABRA

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Ami d’enfance du metteur en scène espagnol Alex de la Iglesia, qu’il considère comme son jumeau cinématographique, Pablo Berger a su s’imposer au sein de cette deuxième génération espagnole, élevée et ayant succédé aux glorieux ancêtres de la Movida, dont Pedro Almodovar, bien entendu.

Et, tout comme ses confrères et prédécesseurs, Berger déteste les catégorisations trop faciles. Il envisage ses films sous l’angle culinaire du plat de lasagnes, c'est-à-dire un mets à plusieurs couches, où chacun peut piocher ce qu’il veut. Abracadabra, en démarrant par une séance ratée d’hypnotisme et un mari macho subitement transformé, mélange donc la comédie, le film de serial killer ou celui de maison hantée, avec un naturel et un irrespect marqué pour les clichés envers les genres, ou histoires, trop prévisibles.

L’hypnotisme n’est pas un point de départ anecdotique, puisque Berger y voit bien une métaphore du cinéaste et du spectateur, de ce contrat de croyance, voire de soumission, entre le public et l’artiste derrière la caméra. Un sacerdoce qui motive Berger à multiplier les tours de magie, les dérapages de tons volontaires et les cocktails narratifs explosifs.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BALADA TRISTE (Parce que seul son auteur, Alex de la Iglesia, que Berger considère comme son frère de cinéma, est capable de réussir aussi les ruptures violentes de ton qu'on trouve dans Abracadabra.) ou encore LE MYSTÉRIEUX DOCTEUR KORVO (Parce que ce classique film noir d'Otto Preminger a posé les bases de ce croisement, entre thriller et hypnose, dont Abracadabra est un aboutissement.).

Pablo Berger, le metteur en scène d’Abracadabra l’affirme clairement : son but permanent demeure de surprendre le spectateur. Et, à ce titre, l’écriture de ce long métrage est un exemple parfait de la méthode volontairement désordonnée du cinéaste. Celui-ci aime à se laisser guider par une idée centrale, à laisser courir son imagination dans tous les sens, à travers tous les types de scènes possibles, avant de tenter en toute fin de réunir les éléments, de mettre un peu d’ordre dans le chaos, et de tenter de trouver le sens de la fable qu’il finit par conter. Abracadabra part ainsi donc de la comédie, vire subitement vers le thriller, et finit dans le drame teinté de fantastique.

En choisissant l’hypnose comme thème et centre de son histoire, le réalisateur a bien conscience qu’il aborde un sujet hautement cinématographique. Après tout, et c’est Berger lui-même qui l’affirme, tous les cinéastes souhaitent en fait hypnotiser le spectateur, deux des plus grands auteurs de tous les temps, Georges Méliès et Orson Welles, furent également des prestidigitateurs, et plusieurs maîtres contemporains, tels que Gaspar Noé ou Christopher Nolan, ont abordé le sujet. En faisant de son héroïne une spectatrice émerveillée des effets d’une séance, aux conséquences imprévues, le metteur en scène joue consciemment sur plusieurs tableaux, et livre une lettre d’amour à la science de l’hypnose et au cinéma en général.

Deux autres déclarations passionnées complètent ce film : l’une est sans ambigüités, elle est à son actrice, sa muse de Blancanieves, Maribel Verdú, qui devient avec ce film définitivement l’actrice fétiche de Berger. L’autre est plus complexe, mélangeant un amour vrai et une haine tout aussi authentique. Il s’agit de Madrid, la ville de l’auteur, celle des gratte-ciel, des start ups, de Goya et de Don Quichotte. Ce sont toutes ces contradictions qu’a voulu filmer Berger, qui transforme ainsi la capitale de l’Espagne en immense chasse au trésor à ciel ouvert.

Imaginez un peu la scène : votre mari que vous avez toujours connu comme étant le dernier des troufions, le genre à flatuler peinard sous la couette et à singer Messi de nain, le genre à constamment l'ouvrir quand il faut pas et à se la fermer à la mode ronchon aux moments ...

Avec « Blancanieves », Pablo Berger avait déjà fait montre de sa grande virtuosité (images stupéfiantes de beauté, direction d’acteurs parfaite, scénario idéalement maîtrisé...), de son audace incroyable (un film noir et blanc en 2013, muet de surcroît...), de sa ...

« C'est du vent le cinéma, de l'illusion, des bulles, du bidon ». Une magnifique arnaque si l’on veut, d’histoires sans fin et de science des rêves. Il faut au moins lui reconnaître cela à ce bon vieux Gabin : il s’y connaissait en Grande Illusion. Cette brise légère, ...