ZOMBI CHILD

en VOD

Zombi Child, est, comme son titre ne l’indique pas, un film français signé de Bertrand Bonello en 2019. Même s’il s’agit d’une variation autour d’un genre -le film vaudou- on y rencontre bien un zombi, et même, sa descendance.

Construit sur deux réalités, deux lieux et deux époques, le scénario nous ballade entre Haïti il y a soixante ans et la région parisienne aujourd’hui. Entre l’évasion d’un esclave et sa rémanence bien des années plus tard.

Il s’agit d’une fable, écrite par un réalisateur adepte des figures libres, qui conjugue modernité et croyance, tradition et fantasme et laisse sa part à l’irrationnel. Bienvenu dans un siècle magique.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver VAUDOU DE JACQUES TOURNEUR (1943) (Un film fondateur sur le zombie au cinéma. Mais qui repose sur une esthétique, celle des séries B de la RKO à l'époque: en montrer peu et en suggérer beaucoup. Par ailleurs le film est plus étranger qu'horrifique et plus poétique aussi. Il s'intéresse véritablement aux rituels vaudous.) ou encore THE DEAD DON'T DIE DE JIM JARMUSH (2019) (Jarmush s'offre le scalp du film d'horreur en général et de zombie en particuliers avec cette comédie qui recycle les clichés de la petite ville américaine où les morts reviennent à la vie. Languissante évocation des créatures romériennes et leurs descendants le film se moque aussi de lui-même. Suave.).

« Ecoutez monde blanc les salves de nos morts écoutez ma voix de zombi en l’honneur de nos morts » c’est l’incipit qu’on peut lire en ce début du film. Il est signé de René Depestre écrivain haïtien qui a suivi les enseignements vaudou de sa mère et fut ami de Césaire et Neruda. C’est sous ce patronage que s'inscrit le 8ème long métrage de Bertrand Bonello, cinéaste autant que musicien, personnalité atypique dans le cinéma hexagonal, surtout connu pour son « Saint Laurent » en 2014.

On ne manquera pas de souligner l’utilisation du film de genre, en un hommage lointain à un français d’Hollywood : Jacques Tourneur qui, pour la RKO, signa en 1943 « Vaudou ». Bonello en retire la peur pour y inscrire un discours plus politique sur l’esclavage et la transcendance, bref une superposition ou un collage. Il s’intéresse en fait à la communication au-delà des corps et du temps. Il a écrit la musique en même temps que le scénario, comme un double langage, en une double initiation.

Tourné contre l’avis général en Haïti avec les difficultés de sécurité et de logistique que cela impliquait, le film a par ailleurs fait travailler des artistes locaux venus essentiellement du théâtre. À Paris, intervenant devant les jeunes filles de la légion d’honneur c'est « Patrick Boucheron » qui improvise un cours face caméra. L’homme, théoricien de l’histoire discontinue a tout de suite accepté la proposition de Bonello, dont il aimait le cinéma. Le pensionnat de la légion d’honneur a été créé par Napoléon, le même qui avait rétabli l’esclavage dans les colonies. C’est ainsi que la boucle est bouclée.

Le vaudouisme. Voilà un terrain de jeu relativement snobé par les cinéastes avides d’absorption horrifique et de séries B mystiques. Certes, il y a déjà eu Wes Craven, qui en 1988 emmenait Bill Pullman dans un psychédélique tourbillon de magie noire sur l’ile d’Haïti ...

C’est à croire que le Festival de Cannes 2019 fonctionne par duo. Alors que Les Misérables et Bacurau se répondaient mutuellement et textuellement par leur envie d’identifier l’insurrection des opprimés par la violence du cinéma de genre, voilà que Zombi Child erre ...

Alors que Jarmush s’emparait lui-même du motif du zombie en sélection officielle de l’édition 2019 du Festival de Cannes, Bonello est venu présenter sa propre exploration à la Quinzaine. Et c’est peu de dire que les versions diffèrent : au délire pop et poussivement ...