LE BONHEUR

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Ah la félicité ! Mais, au fait, cela dure combien de temps, le bonheur ? Depuis Beigbeder, on sait que l'amour, lui, dure trois ans, mais le bonheur, bon sang, et surtout quand on aime deux femmes en même temps ?

Sorti en février 1965, couronné par le prix Louis-Delluc, ce film d'Agnès Varda est d'abord le portrait idyllique d'une famille heureuse, avec pique-nique au bord de l'eau, cueillette de fleurs, délicieux babillages d'enfants, et petite maison avec jardin en ces années où la banlieue jouxtait encore la campagne. Et puis, dans le couple qu'il forme avec Thérèse, François (incarné par un Jean-Claude Drouot frais comme une gravure de mode sixties) ajouterait bien Emilie, parce que c'est du "bonheur en plus", comme il tente de l'expliquer à sa femme. On était avant 68 et le film provoqua des discussions passionnées, car Varda traitait l'adultère à sa manière, si légère dans la gravité, comprenant son personnage qui aime l'amour comme on aime le soleil ou les fleurs. Un peu le versant masculin de la Catherine de Jules et Jim de Truffaut.

Un film culotté pour l'époque mais toujours aussi libre, poétique, aujourd'hui, avec ses images qui évoquent les peintres impressionnistes avec des petites tâches de pop et sa conviction tranquille qu'il faut suivre ses instincts.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver JULES ET JIM DE FRANÇOIS TRUFFAUT (Parce que ce film reste LE film sur l'hypothèse du couple à trois, sur une héroïne, l'une des plus belles du cinéma, qui refuse de choisir entre deux hommes. Jeanne Moreau et "Le Tourbillon"... forever !) ou encore UN DIMANCHE À LA CAMPAGNE DE BERTRAND TAVERNIER (Les sentiments sont si beaux quand la campagne est belle, et Bertrand Tavernier, lui aussi, s'inspire des peintres impressionnistes pour cette chronique magnifique du temps qui passe et de la modernité qui s'installe.).

Agnès Varda est née en 1928 en Belgique... et puis non, on ne peut pas présenter Varda comme on présente les autres, avec une bio, une filmo, parce qu'Agnès est un puzzle, une accumulation, comme elle le montrait si bien dans son autoportrait filmé, Les Plages d'Agnès en 2008.

Elle est née en 1928, donc, mais pas une minute on ne pense à elle en tant que vieille dame. Cinéaste, d'accord, mais pas que... : plasticienne, photographe, chineuse de choses et de gens, poète du réel et grande gueule, en plus. Arrivée en France, à Sète, en 1940, elle monte ensuite à Paris et devient photographe au TNP de Jean Vilar, puis rencontre Jacques Demy, à nouveau à Sète, qui sera son compagnon pour la vie. Elle devient l'une des seules femmes cinéastes de La Nouvelle Vague avec La pointe courte, un film qui incarne à lui tout seul le vent de liberté d'un nouveau cinéma, et où elle a Alain Resnais comme monteur, qui revendiquera toujours l'influence de ce film. Puis il y eut Cléo de 5 à 7 aux sublimes plans séquences et où elle filme le drame de la maladie avec une vitalité, presque une insouciance, peu courants. Quand, en 1969, elle réalise un film hippie, Lions Love, à Los Angeles, elle devient copine avec .... Jim Morrisson ! Elle sera d'ailleurs une des seules à assister à son enterrement au cimetière du Père-Lachaise, deux ans plus tard. Revenue en France, elle tourne un film féministe : L'une chante, l'autre pas, tout en signant le Manifeste des 343 en 1971.

On oublie quelques pièces du puzzle pour arriver en 1985 où elle provoque un choc et remporte un grand succès public avec Sans toit ni loi. Après, entre autres, Jane B par Agnès V où elle filme Birkin, elle rend le plus beau des hommages à son compagnon Jacques Demy, décédé en 1990, avec une fiction -Jacquot de Nantes- et un documentaire-Les Demoiselles ont eu 25 ans.
En 2000, si on compte bien, Agnès a 72 ans. Fatiguée ? Tu parles ! Seulement armée d'une petite caméra numérique, elle réalise, toute seule, Les Glaneurs et la Glaneuse, petite merveille de documentaire sur la récup' sauvage d'aliments ou d'objets dans les champs ou les poubelles. Glaner, Agnès, c'est son truc, en fait, depuis le début : ramasser de ci de là, cahin caha, des émotions, des témoignages, des moments de vérités. Pour en faire des plages de cinéma et d'éternité. 

Il est des films qui ménagent une marge blanche utile au jugement, certains points d'appui, saillies où arrimer le commentaire, repères à relier et relire. Le Bonheur n'est pas de ceux-là : en dépit de brefs effets de recul relevant plutôt de la coquetterie que de l'invite ...

Quand derrière l'extrême simplicité se cache un message cruel et violent. François est un homme heureux en ménage et un jeune père comblé. Il aime son épouse qui l'aime en retour. C'est un menuisier insouciant qui profite de ses dimanche de repos pour aller faire la ...

La première scène nous présente une famille heureuse, deux parents et deux enfants se tenant par la main, dans un champ estival ensoleillé, leur marche tranquille entrecoupée d’un plan obsessionnel, celui d’un grand tournesol rayonnant. La dernière scène nous présente ...