JEUNESSE

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« J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie, » a écrit Paul Nizan dans Aden-Arabie. Un constat sans appel que ferait sans doute sien Justine Malle, la réalisatrice Jeunesse, où elle évoque un moment sensible de sa vie.

Justine Malle a eu vingt ans en 1995. Elle prépare alors le concours d’entrée à Normale Sup et entame une relation amoureuse compliquée avec un jeune étudiant. Alors qu’elle fait son entrée dans l’âge adulte et s’apprête à « couper le cordon », elle apprend que son père, le cinéaste Louis Malle, est atteint d’une maladie incurable.

Jeunesse s’inspire largement d’éléments autobiographiques, à quelques détails près : Justine est rebaptisée ici Juliette (et incarnée par Esther Garrel la fille de Philippe Garrel et Brigitte Sy). Louis Malle (joué par Didier Bezace) n’est pas installé en Californie mais dans le Lot. «Je n’ai pas voulu transmettre quelque chose du cinéma de mon père. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer la jeune fille que j’étais », précise la réalisatrice, qui a attendu une quinzaine d’années avant de tourner ce film.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE PETIT PRINCE A DIT (Le périple d'un père avec sa fille, atteinte d'une maladie incurable) ou encore BLACK MOON (La réalisatrice Justine Malle apparaît bébé dans cette réalisation de son père Louis Malle, avec Alexandra Stewart, sa mère.).

Justine Malle porte un regard sans concession sur Juliette, personnage totalement nourri de son expérience personnelle. Elle l’a décrit comme une jeune femme aimant son père mais qui, « face à l’annonce de sa mort prochaine adopte un comportement imprévisible, agressif parfois et surtout inadapté. C’est un personnage à la fois touchant et tête à claque ». Elle est submergée par une immense culpabilité, à l’heure où elle prend ses distances avec le cocon familial. « J’étais terrassée, autant par le choc de la nouvelle que par la certitude d’en être à l’origine », confie la cinéaste. Comme si elle avait en quelque sorte « tué le père ».

Pas simple non plus de se construire quand ses parents sont des personnalités aussi fortes que Louis Malle, le réalisateur d’Ascenseur pour l’échafaud, d’Au revoir les enfants, et l’actrice Alexandra Stewart, qui a travaillé avec Truffaut, Pierre Kast ou Arthur Penn. Justine Malle s’est donc tournée vers la philosophie en refoulant ses envies de cinéma. Elle ne s’est autorisée à passer à la mise en scène que lorsqu’elle est tombée enceinte de son deuxième enfant. « J’avais besoin de revenir sur ce trou noir qui m’a anéantie mais ne m’a pas détruite. Il m’a fallu le digérer pour pouvoir l’exprimer. » Et c’est dans la maison familiale du Lot, à Lugagnac, qu’elle a filmé. Dans cette région où son père a tourné Lacombe Lucien puis Black Moon.

Justine Malle a choisi Esther Garrel après avoir auditionné de nombreuses jeunes filles. Ce qui l’a convaincue chez la comédienne c’est sa capacité à exprimer « une puissance extraordinaire dans la douleur ». Elle reconnaît que cela lui plaisait également qu’elle soit la fille du réalisateur Philippe Garrel, dont Justine Malle se revendique. Elle considère aussi qu’il était important qu’elle ait cette « expérience de vie aux côtés d’un père prestigieux ». Esther Garrel, de son côté, confirme qu’elle s’est trouvé beaucoup de points communs avec Juliette. « Comme elle, j'ai un grand frère et une petite soeur, un père cinéaste. Comme elle, je connais ce désir de se sortir de cet atavisme familial. »